Baptiste Rappin : Tu es déjà mort. Les leçons dogmatiques de Ken le Survivant

Avertissement

Cet essai ne paraît se contenter d’aucune des caractéristiques qui, prises isolément les unes des autres, permettent de constituer qui une démarche analytique, qui un énoncé militant pour une bascule idéologique, qui la défense et l’illustration d’une actualisation de la méthode, qui le meurtre du père, qui l’anoblissement d’un vecteur médiatique clivant, etc. Baptiste Rappin entreprend une démarche plurivalente qui parvient à réunir dans l’énergie d’un seul geste d’écriture des préoccupations aussi diverses qu’elles participent toutes, cependant, à l’exécution d’un programme intellectuel : définir les différentes structures qui permettent à l’homme de faire, défaire ou refaire monde (cosmos). Ce faisant, l’auteur nous livre un discours politique et organisationnel affûté, qui paraît plus que nécessaire et vertueux, tant la pertinence toute contemporaine de cette méta-lecture de Ken le survivant vaut et vaudra pour les prochaines décennies, et tous les défis qui semblent attendre l’humanité, comme espèce mais aussi comme principe de génération symbolique, au XXIe siècle.

 

Hokuto no Ken, 北斗の拳

Peut-être faut-il préciser plusieurs aspects du contexte de la parution du petit livre de Baptiste Rappin dont nous souhaitons nous préoccuper aujourd’hui. En tant qu’il est un livre sur un phénomène esthétique suivi, il nous paraît primordial de commencer par la précision dudit phénomène esthétique. Il s’agit donc d’un ouvrage sur une fiction suivie parue entre 1983 et 1988 sous la forme d’un shonen[1] attaché au personnage de Kenshiro, dans un monde post-apocalyptique à l’issue d’une guerre nucléaire qui a redistribué les cartes du pacte social. Le décor dystopique est donc instantanément planté : le personnage va suivre une route initiatique le menant d’épreuve en épreuve, si bien qu’il se définit par ce cheminement jusqu’au statut de la plus grande puissance dans l’art martial du « Hokuto Shinken » (ou « art divin de l’Étoile du Nord »), abattant ses antagonistes au prix de mille sacrifices, dont ceux de plusieurs de ses frères d’armes, se dépassant inlassablement et finissant même pas délivrer tout un continent du joug démoniaque. Tout un programme !

Nous sommes donc, comme dans beaucoup de shonen, dans la droite ligne de la dialectique messianique (ou eschatologique), où le héros incarne l’échappatoire de tout un monde au désespoir et à la mort, rejouant le cycle éternel de l’affrontement entre les forces de vie et les forces de mort.

« Dans cet univers de la désolation, au sein duquel plus aucun édifice ne saurait tenir droit, au sein duquel le sable et la poussière ont enseveli toutes les infrastructures (routes, réseaux électriques, canalisations, etc.), au sein duquel toute végétation flétrit face à la siccité des climats, au sein duquel toute structure, qu’elle soit physique ou anthropologique et symbolique, s’est évanouie, ne subsiste plus guère que le minéral : le sable, la roche, la pierre brute, la caillasse. Et au milieu de ces agrégats de matière, des « hommes », deux groupes d’« hommes » : les premiers se regroupent en villages et tentent de survivre, tant bien que mal, en cultivant la terre stérile, comme si l’humanité avait réalisé un grand bond dans le passé, se trouvant téléportée onze mille ans en arrière à l’orée de la révolution néolithique ; les seconds forment des bandes, des clans, des gangs, et ne sont rien d’autre que des bandits qui, heureux de retrouver un mode de vie nomade ne pouvant désormais plus se fonder sur l’abondance de la nature, pillent et exploitent et martyrisent les villageois. »[2]

Ce monde décompose donc les conditions d’existence ordinaires qui font celles du lecteur et l’invite, par la faille d’une défamiliarisation[3] radicale engendrée par quelque avatar chaotique (ici, une guerre nucléaire), à un véritable travail de ré-identification des paramètres de son propre être.  C’est d’ailleurs ce que Baptiste Rappin fait, non seulement sur la question de la définition du « soi » dans un monde pour lequel il n’existe plus guère que des marges et des échappatoires aux situations de naufrage politique, structurel, institutionnel ; mais aussi et surtout, nous venons de l’écrire, sur celle d’une identification et d’une proposition de ce qui fonde pour l’individu la collectivité comme entité homogène et fonctionnelle. Nous le voyons par la suite, Ken le survivant est traité par l’essayiste comme autant de déploiements des occasions d’analyse : des conditions de formation sociale ; des règles qui poussent un individu à se déterminer et à choisir ce qui fait monde ; les projections symboliques, comme sujet mais aussi comme société.

Le shonen peut se définir d’ailleurs comme une sorte de manga d’initiation, transmettant à ses lecteurs une série de valeurs qui exhortent à des vertus telles que la protection des êtres aimés, la responsabilité (et l’on pense à la phrase célèbre de l’adaptation du comics Spiderman, 2002 : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »), le courage, la confiance en soi dans l’épreuve, etc. Il s’agit donc d’un média majeur dans la formation culturelle adolescente de la culture moderne nippone qui joue, à bien des égards, les mêmes rôles que certaines littératures intermédiaires dites « allégorique » en France ou en Europe. Depuis que le processus de globalisation culturelle agit à l’échelle du monde, la tradition des mangas a largement imprégné le lectorat de la jeunesse occidentale, si bien que des adolescents nés à la fin des années 1970 ont pu grandir, eux aussi, avec les traductions, voire les adaptations en dessins animés (« anime ») de ces médias initiatiques. Or c’est particulièrement et très précisément le cas de l’histoire de Kenshiro, passée en France sous le titre de Ken le survivant.

Ken le survivant

Ce titre porte en lui seul tout ce qui rend légitime, à notre sens, une telle introduction : un personnage masculin, archétypal et perclus de significations secrètes (les sept cicatrices sur sa poitrine qui forment la constellation de la Grande Ourse), à portée, donc, ésotérique que le lecteur doit apprivoiser sinon même décrypter peu à peu, porteur de cet ἔσχατος[4] ou eschatôn, c’est-à-dire la finalité menant à son titre : « le survivant ». Il est l’unique survivant (de son école martiale) mais il est celui dans le sillage duquel toute la structure sociale comme regroupement pacifié, organisé, tourné vers l’activité de la vie, peut et va survivre. Du reste l’eschatologie est-elle, dans les doctrines de la foi, le sens du salut : le renouveau ou la renaissance dans le sein de Dieu après la mort de toute chose ; autrement dit, le triomphe sur l’apocalypse, les forces du mal et le diable (ou démon). Très marqué par une époque esthétique que caractérise la Guerre Froide, dans un Japon qui, il n’y a pas si longtemps, a goûté à l’inhumaine dévastation de deux bombes nucléaires utilisées contre ses civils, une époque d’impérialisme culturel imposant le mélange des genres et des registres, mais aussi une époque fertile en fictions, avec des œuvres comme Mad Max, l’horizon du manga est celui d’une cristallisation, autour d’un héros, des arguments paradigmatiques d’un renouveau du pacte social.

Ken le survivant contient donc déjà trois idées : l’archétype, le combattant d’art martial et la survie, ontologique et phylogénique. Notons d’ailleurs que le récit se passe dans les années 1990, qui consiste alors en une légère anticipation puisque, rappelons-le, le manga paraît entre 1983 et 1988. L’anime est quant à lui diffusé (en France) à partir de 1988, et n’a pu être achevé, pour une affaire concernant les doublages, qu’en 2010. L’intérêt de cette remarque consiste donc en la diachronie frappante entre le récit dont on pourrait dire qu’il est original, d’une part, et sa diffusion en version animée. Mais il faut encore noter deux choses avant de pouvoir nous plonger comme il se doit dans une lecture serrée de l’ouvrage : l’importance d’une différence importante entre la version de l’anime et celle du manga ; et, ce qui nous intéresse particulièrement, l’émergence ou, disons, l’affirmation, d’une nouvelle façon d’interroger les formes de la connaissance, dans l’existence même de cet essai.

« Tu es déjà mort ! »

Le caractère post-apocalyptique interroge brutalement la condition humaine, en interrogeant le caractère de nécessité de la sociabilité dans cette condition humaine. Il paraît légitime de se demander si l’humain, hors de la cité, reste encore humain, si l’animal qui cède à la violence perpétuelle pour se nourrir et se perpétrer comme espèce peut encore s’appeler homme. Au fond, les paradigmes de la force, sur lesquels reposent factuellement, aujourd’hui, la société contemporaine, sont-ils suffisants pour parler d’humanité. L’image qu’édifie Baptiste Rappin, dans le sillage de la pensée de Hannah Arendt, nous encourage à certains rapprochements que nous faisons par la suite avec le film Matrix :

« Quand un être humain n’habite plus une cité peuplée d’œuvres qui demeurent par-delà les générations pour former un monde habitable, et qu’il ne peut plus prendre d’initiative car l’action et la parole politique ont disparu, ne subsiste alors que sa seule part utile, assimilable au fonctionnement de tout système : la gestion des entrées et des sorties, des inputs et des outputs, dans un univers liquide défini par les seules catégories du flux et du processus. »[5]

Comment ne pas penser à l’image des silhouettes allongées, enfermées dans des sarcophages liquides, des bulles hérissant les colossales colonnes de ces « champs », où les machines cultivent les humains pour produire l’énergie électrique dont elles ont besoin et pour lesquelles l’espèce humaine est réduite en esclavage, maintenue dans une société fictive, virtualisée, la matrice ? Comment ne pas voir dans le projet néolibéral une ambition proche de celle des machines : maintenir la masse génératrice de valeur (électricité, argent, nourriture), les forces productrices, un Marx écrirait les masses ouvrières ou prolétariennes, dans un confort tiède et illusoire qui l’asservit et sert les intérêt de ceux qui possèdent les moyens de production ? Cela étant écrit, le titre de l’ouvrage appelle à la première des deux remarques que nous voulons faire : « Tu es déjà mort ! ».

Il y a là un caractère performatif décisif, qui souligne par la formulation le principe même de la violence ontologique dont Kenshiro doit être l’inépuisable porteur, en tant qu’il se fait véritablement un lucifer[6] inversant les arguments mythiques (nous ne saurions mêler Yoshiyuki Okamura, l’auteur, a une quelconque saisie des formes eschatologique chrétienne sous le régime d’une théologie — et pourtant le sous-titre pourrait nous y encourager) de la figure d’un tel porteur de lumière dans les ténèbres d’un monde dévasté par la perte de la foi en la vie. Autrement dit, Kenshiro est un messie qui ramène la lumière sur les terres désolées, au point d’un triomphe final et paroxysmique contre les maîtres des terres de Shuna no Kuni (ou « Pays des Démons ») après avoir traversé l’un des derniers océans ayant survécu à l’apocalypse nucléaire. Non contente d’avoir remplacé le titre de l’histoire, dont la traduction littérale aurait plutôt été quelque chose comme « poing de l’étoile polaire » (北斗の拳), ce qui inscrit le récit dans la tutelle ésotérique des noms des techniques de combat, avec la promesse d’une révélation finale de la puissance contenue dans le caractère performatif de l’avancée du héros (il fait ou refait le monde au fur et à mesure de ses victoires), la version animée française adjoint à la formule du héros un « Tu ne le sais pas mais… ». De telle sorte, d’ailleurs, que pour ceux qui n’étaient pas adolescents lorsque l’anime était diffusé, le personnage de Ken le survivant peut n’être connu que pour cela : des geste magiques incompréhensibles (sa technique de combat consiste à presser les points vitaux), une posture pour dire sa réplique : « Tu ne le sais pas, mais tu es déjà mort » suivie de son triomphe sur son adversaire.

Le principe de la formule rituelle qui exécute la progression du monde appartient à une logique qu’une certaine philosophie de la raison du mythe (Blumenberg, Cassirer) rapprochent de la fonction religieuse essentielle de la « répétition paraphrastique »[7] : en répétant la formule qui exécute l’ordre du monde, les prêtres (ici, le messie), perpétuent le monde en secourant les dieux de vie. Nous observons la même chose dans le cycle égyptien : Râ doit, chaque matin, triompher contre Apophis le dévoreur de monde, et les prêtres l’assistent sous l’égide du pharaon, proto-forme du messie[8]. Cet ajout de la version française n’est pas du tout anecdotique et souligne ainsi la simplifications en formes symboliques françaises d’une œuvre à l’origine porteuse de messages et d’une structure démonstrative toute différente.

Le caractère initiatique, ou le « faire-monde »

Or c’est là notre deuxième remarque, à propos du geste de l’essai cette fois : le fait même de chercher la valeur signifiante et même, le sens ontogénétique, d’un tel « produit culturel », c’est-à-dire d’un média qui ne bénéficie pas du caractère noble dans l’ordre des supports de pensée. Il existe en effet une tradition, en France particulièrement, que l’on pourrait ranger, trop hâtivement sans doute, sous la figure du snobisme : ce n’est pas de la littérature, ce n’est même pas de la bande-dessinée, mais en tout et pour tout le sous-produit américanisé d’une culture nippone passée à la moulinette des clichés patriarcaux d’un apocalyptisme d’Hollywood. Rien que ça ! Autrement dit : rien de valable dans l’histoire de la pensée. Nous serions, aux yeux des censeurs, très mal inspirés de trouver dans ces récits la moindre analogie avec le sens initiatique d’un Balzac, d’un Saint-Exupéry, d’un Bach (Richard) ou même d’un Paolo Coelho[9]. Et pourtant ! C’est bien l’acte fort du livre de Baptiste Rappin parmi d’autres auteurs de sa génération : il revendique que toute imprégnation culturelle permet de faire monde.

Ici, l’auteur lui-même, quoique défendant son patrimoine d’enfant contre une Ségolène Royal légiférant contre l’exposition de nos pauvres têtes blondes à la barbarie infamante de cette soupe de sous-culture nippone même pas morale (page 24), par exemple, a des mots très durs (et l’on comprend bien qu’ils sont à double niveau d’interprétation) dans son premier chapitre, La nostalgie du quadra (pp. 19-25). Voici peut-être, très précisément, ce qui a manqué à la génération des Ségolène Royal et consort : l’exposition ludique (mais intrinsèquement sérieuse) des des paradigmes culturels radicalement différents.

L’auteur trouvera naturellement des alliés dans une grande part de sa génération, mis aussi celle qui vient juste après (au moins), pour le refus d’une assimilation de la culture populaire (alors télévisuelle, mais « geek » pour la génération suivante, etc.) des années 1980 à une quelconque notion de corruption ou d’appauvrissement intellectuels — simplement, les modes de fonctions symboliques se sont déplacés et la rage des adultes institutionnels d’alors, déployée pour faire entrer cela dans des normes, au prix même de la déformation, tient peut-être au refus de perdre le contrôle du sens.  Finalement, c’est encore un argument en faveur d’une revalorisation des formes symboliques dans l’ordre de la pensée, et le sort de Ken le survivant une fois passé au crible du formatage français atteste de la nécessité politique de le contrôler.

Mais en atteste aussi l’incroyable foisonnement des énergies créatrices supporté par une naïveté fraîche et fervente, alors vertueuse, dénuée de tout cynisme et encore vierge du calcul nihiliste, incarné par le Club Dorothée. Ce « quelque chose » sans pré-définition, pouvait être utilisé sans intermédiaire. Il nous semble que ces programmes télévisuels pour adolescents dérivaient directement d’activité créatrices. Ce n’est peut-être qu’ensuite que ces programmes, mesurant l’outil de contrôle formidable qu’ils peuvent représenter, sont ordonnés selon des visées directes. L’ivresse du possible rendait tout à fait libre ce qui se faisait — et la même distinction, à notre sens essentielle, s’observe entre l’usage d’un « premier internet » (1998-2008) et d’un « deuxième internet » (2009-2019), ce dernier œuvrant en fait à la canalisation et la territorialisation finie de l’infinitude ouverte et contenue dans le premier.

Un texte (cinématographique) comme la trilogie Matrix témoignerait peut-être du caractère systémique de l’usage esthétique dans les sociétés de contrôle. Il faut évidemment penser à Foucault, Deleuze, et prolonger leurs travaux par une perspective de l’affrontement entre les formes structurelles et la crise interne de leurs usages symboliques et coercitifs. Car l’essai de Baptiste Rappin porte à la conscience commune la valeur conceptuelle d’une initiation imaginaire qui chemine dans la sphère du shonen, destiné à tous les adolescents d’une génération, et dans lequel il pourra éprouver pour les constituer les choix esthétiques, éthiques et, même religieux de toute existence. Finalement, il y aurait très certainement autant de philosophie dans un livre de Kant que dans Ken le survivant — et l’auteur laisse très vite le caractère polémique au profit d’une lecture philosophique du monde dans les catégories de la pensée soulevées par différents aspects de son support.

L’aliénation de la réception française

Nous pouvons désormais suivre le fil de l’essai, en nous gardant bien, toutefois, d’en livrer un aperçu trop poussé qui risquerait de nuire au plaisir du lecteur, qu’il ait été lui-même adepte, ou non, du shonen ou de l’anime. Dans un rapide premier chapitre évoquant sa propre nostalgie intellectuelle et affective, l’auteur étrille vigoureusement les conditions morales qui présidèrent à des choix dramatiques de la société politique française contre les risques de « perversion » des produits culturels venant du Japon. Ainsi explique-t-il comme les problèmes de traduction (responsables, on le souligne encore, du retard terrible de la parution complète des épisodes de l’anime en version française jusqu’en 2010) et de bienséance produisent des résultats farfelus :

« Le cas de Ken le survivant est de ce point de vue exemplaire : suite à la pression d’associations familiales et à la croisade menée par la députée des Deux-Sèvres Ségolène Royal, et dans la foulée, donc, des directives du CSA, la société de doublage, Les studios de Saint Maur, sous la houlette des comédiens qui confondent le symbole traditionnel du bouddhisme, le svastiska, et le drapeau hitlérien, qui affiche une croix gammée, adoptent des dialogues français qui, détachés de tout ancrage dans la version originale, faussent le sens de l’histoire au point de la rendre absurde et incompréhensible : ainsi, les écoles d’arts martiaux Hokuto et Nanto, dont l’affrontement pour la suprématie constitue une grande partie de l’intrigue, deviennent des « hauts couteaux » (« à viande », ou « de cuisine », selon les répliques) et des « manteaux » (« de bison », ou encore « de fourrure »). »[10]

On observe donc une sorte de férocité agressive de la part de ce qu’il y a tout lieu de considérer comme les censeurs français du texte initial japonais, confinant parfois à l’humiliation du geste premier. Le caractère ésotérique (ou astro-symbolique) de la culture japonaise n’est pas un détail de sa pratique : il suffit de lire pour s’en convaincre et au choix, le roman magistral Onmyōji (陰陽師) de l’auteur Baku Yumemakura, paru en 1988, ou l’une de ses nombreuses adaptations ; les deux films de 2001 et 2003 ou encore le manga de Reiko Okano paru entre 1994 et 2005 (et à ce jour pas encore intégralement traduit en français puisque seuls sept des treize tomes l’ont été à ce jour et il est raisonnable de penser que la suite ne verra jamais le jour). Abe no Seimei, le protagoniste principal, ne répond pas du tout à l’archétype du personnage central d’un shonen : il est le « maître du Ying et du Yang » et manipule l’ésotérisme et la magie médiévale japonaise pour conjurer toute rupture de l’harmonie entre le monde des vivants et le monde des morts ou des démons[11]. Ainsi le passage d’un manipulateur des noms de techniques secrètes issues de la constellation de la Grande Ourse à celui des couteaux de cuisine ou à viande  contre le gang des manteaux de bison paraît difficilement défendable.

C’est donc l’occasion pour l’essayiste de régler les comptes avec la tutelle oppressante et appauvrissante d’une génération sans imagination, celle qui contrôlait le CSA et les débouchés philosophiques de l’accès à une culture autre de ses propres ambitions politico-morales. Une approche historique d’importance[12], pour l’affirmation d’une appropriation populaire par les japonais de leur propre culture, qui éclaire de façon décisive les conflits ayant permis la censure française et réduit bien des versions françaises d’anime à des ersatz soit de leurs versions écrites, soit même directement de leur version animée originale. Il en va ainsi de façon flagrante dans l’anime non moins célèbre de Dragon Ball, où même un enfant né à la toute fin des années 1980 pouvait être frappé par le décalage de certaines scènes, de certaines répliques, voire même l’apparition de panonceaux « censuré » en plein milieu de l’image. Baptiste Rappin profite donc avantageusement du double niveau d’énonciation qui caractérise son essai : parler d’un objet culturel spécifique pour parler du rapport général à la culture populaire — conflictuel dans le champ politique, décisif (faisant monde) dans le champ ontologique ou esthético-conceptuel. Il s’attaque dans le même geste aux embuches politiques d’une translation culturelle et au refus de l’aseptisation française de la charge idéologique critique initialement bien présente dans le manga.

Ainsi comprendrait-on toute l’importance de cet essai, qui réconcilie peut-être une génération à la légitimité de ses premiers espaces de définition, qui met la génération de ses parents (ou équivalents) au pied du mur d’une passation de pouvoir intellectuel (« vous n’avez rien compris, je vais vous expliquer et vous interdire ») et qui revendique d’être désormais à la place des faiseurs de monde ; il ne s’agit donc pas « simplement » d’un essai sur Ken le survivant. Ainsi devinera-t-on là peut-être tout l’intérêt de souligner l’ironie de la formulation française, voulue par cette génération, qui adjoint le « Tu ne le sais pas mais… » au « Tu es déjà mort ! » du héraut messianique des lendemains possibles. Un peu comme s’il s’agissait de leur survivre avec et par-delà l’appropriation d’un langage qu’ils imposent aux figures qui sont celles des conditions de formation de leurs descendants[13].

Les (très) lourdes implications d’un eschatôn livré à lui-même

Ainsi l’auteur continue-t-il avec certains des aspects de l’eschatôn évoqués plus tôt : l’apocalyptisme[14] et la redéfinition (nécessaire, pour dépasser l’apocalypse) d’un pacte social à partir d’un renouveau du bilan de l’état de nature[15] et des formes d’organisation de la société humaine (motif messianique). Dans l’histoire philosophique des cultures qui ont forgé la société de consommation dite « occidentale » (à laquelle appartient le Japon), la querelle des conceptions du pacte social (on retiendra surtout l’opposition Hobbes-Rousseau, entre nécessité de la souveraineté pour le premier et délégation à la souveraineté pour le second) a conditionné les formes de résolution de l’état de nature sur le mode des démocraties libérales. Si l’on devait rebattre les cartes d’une telle historicité, les perspectives téléologiques seraient différentes, au point qu’une telle possibilité invite à (re)définir le sens même d’une civilisation[16]. C’est ainsi que la totalité du chapitre 2[17] dépasse l’ambition critique d’une génération qui veut se libérer de l’emprise de celle dont elle est issue, enfonçant la ligne affirmative du « Tu es déjà mort ! » : c’est le meurtre du père, non pas pour le plaisir de tuer mais pour affirmer la nécessité de faire le monde à venir.

Véritable enquête sur les différents modes possibles de survie pour faire face à la disparition de l’ordre connu, tant matériel que spirituel (surtout alimentaire et sécuritaire, en fin de compte ici, c’est-à-dire institutionnel), La loi du plus fort[18] rappelle les arguments d’une apocalypse zombie et, ou, beaucoup moins folklorique ou romantique, d’une situation post-apocalyptique tout à fait envisagée par les théories de la collapsologie, eu égard à l’absence totale de mobilisation des énergies politiques contemporaines face aux implications de l’action de l’homme sur le climat[19]. C’est à ce titre que l’essai de Baptiste Rappin peut tout à fait s’envisager comme un petit manuel de survie, tout au moins son chapitre 2, dont la revue des différentes théories politiques du contrat social (de Hobbes à Klein en passant par Machiavel et Weber, pp. 111-114) sont vidées de leurs idéologies politiques et cristallisées dans une formule pragmatique de l’exigence messianique :

« Fin observateur de son temps, Ryuga, l’un des protecteurs de la sixième étoile du Nanto, conclut sans illusions que « sans un arbre géant et puissant, cette époque n’aura pas de paix ». »[20]

La dissolution du cadre institutionnel qui, pour d’obscures raisons humanistes, appelle l’individu occidental à supposer que le Bien prévaut, entérine la disqualification de toute rhétorique susceptible de défendre la moralité, la tempérance, la solidarité et toutes ces valeurs qui ne saturent pas exactement le monde traversé par Kenshiro (ou le lecteur, là encore). Le sous-titre du Sans pourquoi[21], en portant une réflexion sur le sens de l’ordre social, n’est pas sans nous rappeler le très brillant discours d’une autre figure de la force dans un monde sans institution (parangon de la loi du plus fort, pp. 103-114), le personnage du Mérovingien dans la trilogie Matrix. S’adressant à celui qui est l’Élu (the One), Néo, ce personnage qui fait du trafic de transferts entre le monde des machines et le monde des programmes libres (ce qui se rapproche le plus du monde des hommes) ricane et considère que Néo est en fait impuissant tant qu’ils ne sait pas quel « pourquoi » l’anime. Autrement dit, dans un monde sans institution, seuls ceux qui détiennent les raisons d’un « pourquoi » (l’Agent Smith parlera quant à lui d’un « purpose », un but, que nous rapprochons volontiers du τέλος, télos) peuvent résorber l’absurdité du monde et incarner cet « arbre géant et puissant » seul susceptible d’apporter la paix sur une époque.

Le « pourquoi », ou la chevauchée de(s) Léviathan

Il faut dire ici que l’histoire politique et militaire médiévale interne au Japon a plutôt tendance a soutenir Hobbes que Rousseau : seule une souveraineté implacable et directrice est capable d’allier ensemble tous les seigneurs et résorber l’état de guerre du tous contre tous. La version romanesque de l’histoire médiévale japonaise que l’on retrouve souvent dans les mangas de type shonen se prête fort bien à des réflexions politiques et métaphysiques sur les conditions de formation de la nécessité de faire monde, et sur les rapports de force à la fois entres les individus et entre les groupes sociaux. De la dissolution du pacte social, l’auteur en vient vite à la question du fondement de ce qui lie l’homme au monde, propageant le grand pouvoir de la responsabilité eschatologique à l’humanité comme unité non-narcissique :

« Dans Ken le survivant, le patriarche d’un village soumis à la loi des barbares prononce la vérité de son époque en reprenant les mots de Jésus sur la croix qui, lui-même, répétait ceux de David dans le Psaume 22 : « C’est l’enfer ! Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi nous as-tu abandonné ? ». Si David n’obtint que le silence en guise de réponse « au rugissement de ses paroles », si le Fils en interpelant son Père depuis la Croix ne rencontra pas plus de succès, c’est désormais à l’humanité entière d’appeler, d’appeler encore, d’appeler désespérément, et de se heurter à l’indifférence du monde. Dans ce nouvel état de nature, les hommes sont comme des « enfants sans Dieu ni père, [et] les maîtres qu’on [leur] proposait [leur] faisait horreur » : dit autrement, ils « [vivent] sans légitimité ». Le divorce entre l’homme et le monde est bel et bien prononcé. »[22]

Cette lecture très politique de la dialectique de la cause, ou du τέλος, ce que Baptiste Rappin appelle le « pourquoi » ne doit pas nous interdire de penser à ce qui a fondé notre monde. Ce que l’homme  identifiait il y a moins d’un siècle encore comme le summum de la condition humaine est aujourd’hui pulvérisé dans des considérations marchandes très éloignées de son sens originel : le réflexe de la connaissance (volontiers incarnée dans l’image de l’arbre) comme fin en soi.

« La mobilisation du rhizome par Gilles Deleuze ressort du même procédé stratégique de remise en cause des catégories de la métaphysique. Tant Platon, Plotin, Dante que Descartes et Heidegger n’hésitèrent pas à recourir à l’image de l’arbre pour comprendre la philosophie et ainsi la définir comme la quête de l’origine et recherche de fondements. Parallèlement, depuis Cicéron, la philosophie est également comprise comme culture, c’est-à-dire comme fertilisation de l’âme par le juste usage de la raison. »[23]

Cicéron, sans nul doute, mais aussi, très vite, depuis la lecture hégémonique de la patristique qui réintègre Platon (et Saint Augustin lui adjoint même Aristote) dans une nouvelle dialectique cosmologique pour laquelle le monde ne saurait être que dans et par la connaissance abstraite, c’est-à-dire tendue vers la raison divine. Cela-dit, l’imagination fertilise, elle aussi, l’âme pour un jute usage de la raison et les formes symboliques sont autant de concepts abordés par l’angle du sensible. C’est là une revendication d’une autre épistémologie, selon les propositions du rapport à la connaissance par l’art, étudiées par certains des membres de la bibliothèque dite « de Warburg »[24], au premier titre desquels le philosophe allemand Ernst Cassirer. L’art serait donc une façon de philosopher tout aussi valable que la métaphysique pure.

Beaucoup plus proche de nous, songeons aux travaux d’un Roland Barthes qui, par exemple, interroge le caractère effectif de certains schèmes esthétiques dans ses Mythologies ; ou l’œuvre encore en cours de Jean-Clet Martin, explorant un usage direct des grands systèmes philosophiques dans la perspective de grands systèmes esthétiques[25]. Revenons toutefois à Kenshiro, soulignons sa faculté de condamner à la mort et l’oubli tous ses antagonistes. Ils sont autant d’avatars d’une volonté funeste qui maintient le monde post-apocalyptique dans les affres des retombées éternelles des débris, de la poussière et de la cendre au milieu des étendues désolées d’un monde absurde, dans lesquelles tout amour et toute bonté auraient abandonné le cœur des hommes — car Kenshiro incarne précisément la sublimation du caractère écrasant de cette morbidité, d’un pouvoir qui n’est exercé que pour l’immédiate jouissance, fût-ce au prix du sadisme et de l’asservissement du faible. Kenshiro, de simple homme dont la puissance est singulière, acquière peu à peu les attributs du sauveur — c’est une figure canonique des fictions modernes.

Certes la légitimité (politique, pp. 129-135) constitue certainement l’un des arguments paradigmatiques fondamentaux de l’être qui se constitue, en tant qu’il se projette dans une institution. Il ne faut cependant pas perdre de vue ce qui occupait déjà Emmanuel Kant, et qui a surtout été prolongé par les écoles herméneutiques : la théorie de la connaissance, ou épistémologie. Lorsqu’il est question de faire monde, le choix des structures par lesquelles ce monde s’édifie dépend directement de la représentation que l’homme se fait de ce monde : de lui-même, de la nature, des motifs de son devenir ; de la réponse au « pourquoi ». La violence et la barbarie sont les produits politiques lorsque la force devient l’argument essentiel du purpose, du but, du programme institutionnel — et c’est le sens de la victoire décisive du nazisme sur le libéralisme : dans le « pourquoi » néo-libéral, ou post-nazi, ou postmoderne (autant de termes qui partagent à notre sens une proximité philosophique capitale), la force suffit à répondre : « parce que je le peux ». Et c’est la figure déjà convoquée du Mérovingien.

Pour une philosophie par l’activité métaphysique de l’imagination

La position morale (L’injustice de la cité, pp. 132-135) d’une désertion (Baptiste Rappin tient à juste titre à l’image et l’imaginaire du désert) des valeurs qui faisaient monde jusque là permet d’écrire que « nous vivons dans une époque où le diable se rit de tout » (page 132). Camille de Tolédo écrit que « Nul n’a plus peur de Dieu et le diable est devenu un jouet pour adulte. »[26] Mais que ce nihilisme soit politique, moral ou même, comme nous voulions le souligner, aussi religieux, au sens métaphysique d’une théorie de la connaissance, il est toujours « le déracinement et la dé-génération, ce en quoi le désert lui offre, eu égard aux développements précédents, un parfait symbole. »[27] L’image parle aussi bien que le concept, et il y a là la valorisation d’une dialectique de l’imaginaire, dans laquelle l’image, ou métaphorologie (Blumenberg), résout certaines impasses conceptuelles, permettant de dépasser l’écueil dialectique par une théorie de l’inconceptualité (Blumenberg), de l’ineffable dans l’ordre de la pensée pure.

« Cela revient à dire que l’homme a rompu son lien initial avec le monde, avec la matrice, avec la source. Mais de quelle attache originelle est-il plus précisément question ? Du langage, du logos, c’est-à-dire de la possibilité de recueillir le monde à travers les mots, de le faire advenir par le texte, de le porter à la présence par la parole. Toujours déjà séparé de l’origine, aspirant néanmoins à retrouver cette unité perdue, l’homme use du langage, autant que le langage se joue de l’homme, pour combler cette béance primordiale et peupler le monde de sens. »[28]

Nous ne pouvons que soutenir cette conception du logos comme intermédiaire permettant à l’être de se relier (par la spéculation) à la nature du monde (cosmos) et (par ses actes dans le monde) au sens de sa propre définition. Le langage est d’ailleurs souvent considéré comme le premier geste de ce qui fait le monde (songeons seulement à la Genèse pour qui Dieu fit d’abord le Verbe), et c’est l’un des arguments de la Philosophie des formes symboliques[29] de Ernst Cassirer et, même avant cela, du Problème de la connaissance[30]. C’est bien là, à notre sens, que cet essai s’inscrit dans une posture à la fois novatrice et, peut-être même, radicale. Qu’un essai revendicateur s’attache à déboulonner les anciennes idoles en restaurant les dimensions de sa propre matrice culturelle, ce qui a fait le monde tel qu’il le vit, est une production que l’on retrouve, avec plus ou moins de style ou de contenu, dans presque toutes les générations de penseurs. Simplement, la postérité ne nous les a peut-être pas toutes transmises et l’on peut sans doute envisager que la « révolution des nouveaux philosophes » ne survivra pas à la mort de ses champions (qui sévissent actuellement un peu partout encore).

Prenant ainsi son ancrage militant dans la veine esthétique profonde de la double tradition (manga et anime) de Ken le survivant, exhumant des archives les enjeux politiques, culturels et moraux qui présidèrent et aliénèrent pour partie sa transmission vers la France, mais analysant aussi les motifs interne à la trame narrative du récit qui proposent en soi interrogations et redéfinitions du monde, Baptiste Rappin fait avancer l’histoire de la pensée par le refus du snobisme et l’intégration, dans ses matériaux philosophiques, de l’histoire de l’imagination. Son essai s’inscrit certes dans la tradition du cycle des générations mais aussi dans un refus radical d’une pensée critique qui serait narcissique : les examens de motifs subjectifs et personnels sont autant d’occasions de saisir la particularité objective, pour le bien commun, de l’expérience individuelle — nous parlerions presque d’un nouvel humanisme, porté par la méthode du foisonnement des sources et de la reconnaissance de l’extrême richesse de leur plurivalence.

La mise à nu de ce qui « fait homme »

L’essai se clôt ainsi sur un chapitre conclusif se proposant de faire le bilan des conditions de formation, par le paysage apocalyptique fictionnel (mais pas tant que ça, ne cesse-t-il de nous montrer) d’une désertion institutionnelle qui exhibe finalement cette armature dogmatique des civilisations (pp. 263-275). Baptiste Rappin conclut notamment ceci :

« Reformulons les développements précédents de la façon suivante : faisant abstraction de son milieu de vie, l’homme entre dans le monde de l’abstraction ; ou encore : l’abstraction désigne tout autant le détachement d’avec l’ordre de la nécessité et le sentiment de l’urgence, que l’entrée dans l’univers symbolique, tissé de langage et d’images, de raisonnements logiques, de figures et de représentations. »[31]

L’activité messianique de Kenshiro pourrait bien nous encourager à voir le caractère performatif de cette déclaration « Tu es déjà mort ! » comme le vecteur par lequel le monde effondré est mis à mort, à la faveur d’une renaissance et d’une reconfiguration de ces tissages de langage et d’images, de raisonnements logiques, de figures et de représentations. Le combat de l’étoile du Nord, qui fend la coque du monde mort afin de libérer l’espace nécessaire au nouveau monde, ne se contente pas d’affirmer la définition de plus en plus assumée du héros. Il a surtout à charge de permettre l’émergence d’une nouvelle arborescence sociale, d’un nouvel ordre, d’un nouveau socle paradigmatique susceptible de permettre la poursuite de l’ordre en traversant le chaos, alors résoluble, alors réductible à un état de transition.

Le cycle de la morbidité s’en trouverait alors métamorphosé, par le vecteur médian du messie de la Grande Ourse, en un cycle de vie et de, cette conversion, le philosophe saisit par l’altérité, par l’affrontement entre les valeurs morales de l’Occident qui censure la vitalité dionysiaque japonaise, le squelette d’une réflexion sur le sens d’un monde incessamment confronté à la menace de l’apocalypse et l’idée de l’eschatologie.

[1] — Il s’agit d’un type de manga (bande dessinée japonaise) visant principalement un jeune public masculin. Il fonctionne sur le principe de la progression et maintient une tension narrative par l’attachement à l’évolution et la montée en puissance du personnage principal. Le shonen est la forme narrative du manga que l’on peut le plus rapprocher de la quête de puissance, avec un protagoniste qui s’affirme et se définit un peu plus et mieux à chaque confrontation (souvent martiale, mais pas seulement). Son héros archétypal est un vagabond qui ajoute à la trajectoire dans sa propre efficacité sur le monde un véritable voyage dans les territoires du monde qui se déploie ainsi au fil de ses pas. Chaque génération occidentale peut se saisir par des shonen différents.

[2] — Rappin, B., Tu es déjà mort : les leçons dogmatiques de Ken le survivant, coll. « Ls carrefours de l’être », éd. Ovadia, Nice, 2019, pages 48 et 49

[3] — Chkolvski, V., Sur la théorie de la prose, 1925, 1929, éd. L’Âge d’Homme, 1973.

[4] — Cet ἔσχατος, eschatos, c’est-à-dire sens du « dernier », l’eschaton conduit directement à la notion du sens, le τέλος, télos, que l’on a coutume de traduire par la notion de « fin dernière » ou « finalité dernière », c’est-à-dire la structure qui pose les conditions de l’agir de l’être).

[5] — Rappin, B., Ibid., pp. 125-126.

[6] — Pensons à l’étymologie latine du nom Lucifer : « lucis fero », littéralement : « le porteur lumière », le diable ayant longtemps été associé à l’étoile du matin, Vénus, et le cycle de quatre ans de la rotation totale de Vénus autour du soleil forme un pentagramme dans le ciel terrestre.

[7] — Blumenberg, H., La raison du mythe, coll. « NRF Bibliothèque de philosophie », Gallimard, Paris, 2005.

[8] — Voir à ce sujet Le messie blablabla

[9] — C’est-à-dire de textes canoniquement admis dans la catégorie des romans d’initiation, avec la Comédie Humaine, Le Petit Prince, Jonathan Livingston le goéland ou encore L’Alchimiste.

[10] — Rappin, B., Ibid., page 25.

[11] — Les démons ne sont pas des êtres essentiellement malveillants, ce sont des êtres qui, morts, sont retenus captifs par une préoccupation non résolue dans le monde terrestre. Nous parlerions de fantômes, mais alors nous retirerions une grande partie de l’implicite magique et sorcier de la notion du « démon » affronté par Abe no Seimei.

[12] — Rappin, B., Ibid., Histoire du manga, pp. 27-49.

[13] — Phénomène souligné par la mention la « génération Otaku », pp. 67-70, associée à une réflexion sur les paramètres d’une métaphysique de la postmodernité (Le postérieur de la postmodernité, pp. 67-76).

[14] — Rappin, B., Ibid., pp. 77-87.

[15] — Rappin, B., Ibid., pp. 89-99.

[16] — C’est pratiquement le titre littéral du tout dernier geste, ou sous-chapitre de l’essai (pp. 263-276).

[17] — Rappin, B., Ibid., « Sans foi ni loi, sans dieu ni lieu », pp. 101-136.

[18] — Rappin, B., Ibid., pp. 103-114.

[19] — Et l’incendie gigantesque qui sévit en Australie depuis plusieurs semaines donne à voir au reste du monde le champ des possibles collapsologiques (ou apocalyptiques) dans un contexte de non-réaction appropriée des institutions, soulignant encore l’actualité de cet essai.

[20] — Rappin, B., Ibid., page 114.

[21] — Rappin, B., Ibid., pp. 129-138.

[22] — Rappin, B., Ibid., page 132.

[23] — Rappin, B., Ibid., page 73.

[24] — Institut ou école fondé en 1926 par Ady Warburg, spécialisé dans l’influence de l’Antiquité classique sur la civilisation moderne occidentale. Ernst Cassirer en particulier a travaillé pour un post-kantisme qui donnât aux formes symboliques une importance décisive dans l’émancipation de l’homme des contraintes de la nature, par la connaissance et la construction de ses structures sociales.

[25]Logique de la Science-fiction ; de Hegel à Philip K. Dick, éd. Les Impressions Nouvelles, 2017, ou le tout récent Ridley Scott – Philosophie du monstrueux, éd. Les Impressions Nouvelles, 2019, sont à ce titre tout à fait indiqués. Mais on peut auss penser à son Plurivers – Essai sur la fin du monde, éd. Presses Universitaires de France, coll. « Travaux pratiques », 2010.

[26] — De Tolédo, C., L’Inversion de Hieronymus Bosch, Verticales, 2005.

[27] — Rappin, B., Ibid., page 151.

[28] — Rappin, B., Ibid., pages 151 et 152.

[29] — Parue en trois tomes aux éditions de Minuit pour la trad. française : Le langage ; La pensée mythique ; La phénoménologie de la connaissance.

[30] — Parue en quatre tomes aux éditions du Cerf pour la trad. française : De Nicolas de Cues à Bayle ; De Bacon à Kant ; Les systèmes post-kantiens ; De la mort de Hegel aux temps présents.

[31] — Rappin, B., Ibid., page 253.

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Pierre-Adrien Marciset est docteur en philosophie de l’Université de Nice Sophia-Antipolis (2016-2020) auprès de laquelle il a travaillé sur l’herméneutique de la figure littéraire du diable, du XVe siècle au XXe siècle, notamment à partir du mythe de Faust. Professeur certifié depuis 2016, il a enseigné trois ans dans le secondaire dans l’Académie de Nice avant de se consacrer à ses recherches sur la tradition de l’apocalyptique juive et les théories de la connaissances, approchées à partir des néokantiens, puis plus spécifiquement avec les philosophes allemands Ernst Cassirer et Hans Blumenberg.