Thibaut Gress, Paul Mirault : La philosophie au risque de l’intelligence extraterrestre

I°) Un thème ignoré

Si les télescopes les plus puissants sont aujourd’hui braqués sur les espaces profonds et silencieux où gravitent les étoiles, à la recherche de quelque planète habitable, voire habitée, il n’a pas fallu attendre les prouesses technologiques du monde moderne pour voir se poser la question des extraterrestres. Des atomistes de l’antiquité jusqu’à Husserl et Bergson, les philosophes se sont demandé s’il y avait des habitants intelligents sur d’autres planètes. Et c’est bien compréhensible, puisque cette question se rencontre naturellement, que l’on soit croyant ou non. Elle n’est que le déploiement d’un questionnement sur notre nature et notre origine. L’homme est-il un exemplaire d’une intelligence disséminée dans tout l’univers ? Ou bien est-il le seul être intelligent ? Participons-nous à un monde spirituel, rationnel, plus vaste que celui de notre espèce ? Ou sommes-nous une singularité perdue dans l’indéfini des possibles ? Dieu – s’il existe – a-t-il fait l’homme et l’homme seul à son image, ou bien a-t-il étendu sa création à un nombre plus élevé, voire infini, de créatures intelligentes ? Les enjeux de ces questions sont importants d’un point de vue métaphysique, mais aussi théologique. Si l’homme n’est pas le seul être intelligent, alors il devient intéressant de penser l’intelligence en dehors de sa situation humaine. D’autre part, si il y a des extraterrestres, comment pourraient réagir les religions révélées ? Il y a donc tout lieu de s’étonner qu’une place plus importante n’ait pas été accordée à cette réflexion dans l’esprit des commentateurs. Les jeunes philosophes Thibaut Gress et Paul Mirault entendent bien combler cette lacune par un petit ouvrage, La philosophie au risque de l’intelligence extraterrestre, dense et particulièrement stimulant, que j’ai le plaisir de présenter ici.

II°) Une histoire originale de la philosophie

Il y a inévitablement un problème à évoquer les intelligences extraterrestres pour un philosophe. C’est à première vue le domaine de la science-fiction, ou de pratiques marginales rangées sous l’étiquette « ufologie ». C’est aussi un aspect de l’astronomie, mais qui reste cantonnée à des analyses au fond assez techniques des variations de luminosité des étoiles et de ce que l’on peut en inférer quant à la présence d’ « exoplanètes » et de leur « habitabilité », spéculations relayées et amplifiées par une presse à sensations. Le philosophe qui voudrait réfléchir sur ce sujet ne risque-t-il pas de s’égarer bien au-delà du champ autorisé par une méthode de réflexion un tant soit peu sérieuse ? Gress et Mirault dissipent dès l’introduction les difficultés. Il ne s’agit pas de partir du postulat qu’il y aurait des extraterrestres. Mais de partir des conceptions métaphysiques et cosmologiques des philosophes pour voir en quoi elles autorisent ou non la présence d’autres intelligences dans l’univers. Dès lors, la question des intelligences extraterrestres est plutôt le prétexte de repenser lesdites cosmologies en mettant en lumière toute leur potentialité, et l’incidence que cela peut avoir sur la conception de l’homme. Le point le plus central étant le cas de Kant, où Gress s’emploie à repenser la conception de l’homme en général et de la morale en particulier, chez le philosophe de Königsberg, à partir de sa cosmologie et donc de sa position sur le problème des extraterrestres.

L’ouvrage se présente ainsi comme une histoire de la philosophie, où le thème de l’intelligence extraterrestre est pris comme fil conducteur. Les auteurs examinent pour chaque système philosophique ce qui autorise ou non la présence d’extraterrestres. A partir d’une analyse rigoureuse des textes, ils montrent où peuvent habiter et à quoi peuvent bien ressembler ces êtres intelligents, tout en insistant sur les enjeux philosophiques ou théologiques afférents. Nous proposons d’évoquer brièvement les points intéressants, en nous attardant un peu plus sur le cas de Kant – plus central dans l’ouvrage.

III°) L’Antiquité et le Moyen-âge

Avec les présocratiques semble déjà apparaître l’idée qu’il y aurait d’autres mondes habités, et en particulier la lune. Xénophane et Anaxagore auraient défendu cette position, ce qui semble confirmé par le fait que Plutarque puis Simplicius fassent référence aux présocratiques pour avancer la thèse d’une lune habitée.

Pour les atomistes, en tout cas, les choses sont claires. Du fait que les atomes sont éternels et en nombre infini, il existe plusieurs mondes, et même plusieurs mondes semblables au notre. Même si rien ne permet de dire qu’ils sont habités, tout amène à penser, en bonne logique, que certains le sont :
Car si notre monde n’a été formé que par le hasard de la rencontre et de l’association des atomes, alors, l’universalité des lois qui en régissent le comportement ne peut qu’amener à conclure en ce sens. […]. Il serait donc étonnant que les mêmes causes ne puissent pas produire les mêmes effets partout où ces atomes sont présents. 1

La pensée de Platon semble également autoriser la conception d’une habitation intelligente des autres planètes de l’univers, mais pas au sens où il y aurait naturellement d’autres intelligences incarnées sur d’autres planètes. En s’appuyant sur le Timée, Gress montre que, chez Platon, il y a plutôt l’idée que l’âme humaine, tombée dans un corps terrestre, cherche à retourner à son origine spirituelle, à sa patrie véritable. Sa récompense consiste ainsi à pouvoir habiter dans l’astre qui l’a engendrée, et qui n’est pas la terre. De ce point de vue, on peut conclure de façon surprenante que l’intelligence extraterrestre, c’est l’homme, dans la mesure où il n’est pas véritablement chez lui ici-bas.

Avec Aristote, se trouve une réflexion sur la pluralité des mondes mais qui se solde par des arguments montrant que seule la terre est habitée ainsi que le montre Paul Mirault. En effet, pour le Stagirite, la position centrale de la Terre lui donne une condition particulière, à savoir que la génération et la corruption y sont rendues possibles par la mobilité propre qui s’y rencontre. Concevoir d’autres mondes habités reviendrait à concevoir d’autres univers avec un centre comme le nôtre, ce qu’Aristote juge impossible. Notre Terre est donc seule à être habitée. Mirault s’attarde longuement sur les raisons qui font qu’Aristote refuse une pluralité de mondes. Bien qu’ayant peut-être approché le concept contemporain de « multivers », Aristote ne peut le valider en raison de ses conceptions physiques mais aussi de son attachement à l’idée de cosmos ordonné.

La scolastique, attachée aux conceptions aristotéliciennes, hésitera à penser une pluralité de mondes. Mirault revient sur le cas de Thomas d’Aquin, qui, bien qu’évoquant une hiérarchie des créatures spirituelles, ne pose qu’un seul monde habité, tandis qu’il multiplie les créatures purement spirituelles que sont les anges, et qui sont chacune une espèce distincte. Mirault montre très bien que l’ontologie de Thomas d’Aquin et sa conception des degrés de perfection dans l’être, autorise parfaitement une pluralité d’intelligences, mais sa conception de l’univers, cosmos ordonné mais renfermé dans des bornes peu éloignées, n’autorise pas la conception d’une pluralité de mondes.

Mirault rappelle d’ailleurs que cette position de Thomas sera critiquée par l’Eglise en son temps, car à bien considérer la nature toute puissante de Dieu, rien n’autorise à affirmer qu’il n’a fait que ce monde. En somme, ce n’est pas à l’homme d’affirmer que Dieu n’a pu faire que ce monde-ci.

IV°) Le monde moderne et l’infinitisation de l’univers

Avec la modernité disparaît le cosmos clos et achevé, et apparaît un univers sans limites assignables. Nicolas de Cues, en soutenant que l’univers est une image du principe infini qu’est Dieu, soutient ainsi son caractère indéfini, c’est-à-dire sans bornes. La Terre n’est donc plus le centre privilégié où s’épanouit le vivant, mais une planète parmi un nombre indéfini d’autres, qui peuvent en droit être peuplées d’êtres intelligents.

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Gress apporte ici une lumière intéressante sur l’interprétation du texte du Cusain, lequel soutient deux choses en apparence contradictoires, à savoir que l’homme n’est pas l’être le plus spirituel de l’univers (les habitants de la région du soleil le dépassent sur ce point, suppose Cues), tout en affirmant qu’on ne peut pas trouver un être plus parfait que l’homme dans l’univers. Gress défend ainsi l’idée que Nicolas de Cues veut simplement dire que l’homme est parfait relativement à sa forme propre. L’homme n’est donc pas une créature imparfaite, parce qu’il y aurait d’autres créatures plus spirituelles que lui, mais il est bien une créature parfaite en tant que l’homme est capable d’accomplir sa nature dans sa perfection.

Est abordée ensuite la cosmologie de Giordano Bruno, qui a affirmé comme on le sait l’infinité positive de l’univers et donc l’existence actuelle de tous les possibles. Ce dernier a conçu les intelligences extraterrestres comme une certitude découlant de l’infinité même de l’univers. Puis celle de Kepler, qui quant à lui, croit apercevoir les villes lunaires où habitent les Endymionides. Descartes, dans son écriture si subtile que Gress prend plaisir à déchiffrer, avance prudemment sur cette question, mais semble bien admettre l’existence d’intelligences extraterrestres. C’est le lieu d’ailleurs de revenir sur la problématique théologique de la question, qui est au fond centrale. Comment penser le sens de l’incarnation dans un univers peuplé d’autres intelligences ? En scrutant de près plusieurs textes de Descartes, Gress soutient que Descartes, sans nuire à la foi, affirme implicitement l’existence d’intelligences extraterrestres, en continuité avec sa conception d’un Dieu infiniment puissant.

V°) Leibniz et la spéculation sur les génies

La philosophie de Leibniz nous évoque un monde où l’on peut descendre dans l’infiniment petit et trouver toujours des vivants, idée baroque qui a tout pour désorienter. Mais on passe sans doute à côté d’une idée plus surprenante encore, celle des génies. Leur évocation dans la Monadologie et dans les Nouveaux essais sur l’entendement humain permet toutefois de conclure, remarque Gress, que selon Leibniz l’univers est peuplé d’un grand nombre d’êtres intelligents, qui ne disposent toutefois pas d’un corps comme ceux des animaux, mais d’un corps toutefois – puisque tout âme selon Leibniz est attachée à un corps, seul Dieu étant pur Esprit. Ces génies, dont nous ne pouvons pas savoir grand-chose, sont toutefois déduits de la cosmologie de Leibniz, où il suppose une continuité des êtres, des moins parfaits aux plus parfaits. L’homme occupe ainsi un rang honorable entre les êtres spirituels, mais il est des génies à l’intelligence plus parfaite que lui. Citons ainsi cette éclairante synthèse :

Leibniz nous invite donc à penser des substances raisonnables, animées et disposant d’un corps quoique non animales, régnant ailleurs que sur Terre, invisibles quoique rendues nécessaires par la loi de continuité, constituant au sens propre des intelligences extraterrestres nous surpassant, certes, sans que cela ne signifie pourtant qu’au sein de notre règne, celui des animaux raisonnables, nous soyons au bas de l’échelle. 2

V°) La thèse choc de l’ouvrage : Kant ne serait pas humaniste

La réflexion sur les intelligences extraterrestres conduit Gress à soutenir, lors d’un long chapitre – le plus long de l’ouvrage – que non seulement Kant a conçu un univers peuplé par des êtres raisonnables non humains, mais que son admiration pour l’homme ne vient que de sa participation à cette rationalité à laquelle, en définitive, nous participons assez médiocrement, compte tenu d’une animalité faisant obstacle à son épanouissement. Cette thèse audacieuse, qui s’appuie sur un texte de « jeunesse » de Kant, moins fréquenté, Histoire générale de la nature et théorie du ciel, retient en particulier l’attention et ne manquera pas de faire réagir beaucoup de spécialistes du philosophe de Königsberg.

Influencé par Fontenelle et Huygens, qui ont défendu la thèse des intelligences extraterrestres, Kant, selon Gress, va développer le concept d’ « être raisonnable ». En effet, le fait que Kant parle d’une morale qui vaut pour tout être raisonnable peut interroger. Plutôt que de penser aux anges – comme le voudrait trop hâtivement Schopenhauer – on considère habituellement que l’expression kantienne est d’ordre logique. Elle indique que l’homme appartient à la rationalité, qui par son universalité transcende en droit l’espèce humaine. Mais Gress soutient qu’il faut prendre beaucoup plus au sérieux l’expression kantienne, en considérant que la rationalité transcende en fait l’espèce humaine, car l’univers est tout bonnement habité, pour Kant, par de nombreux êtres intelligents qui accomplissent mieux que nous leur nature raisonnable. Par ailleurs, cela invite aussi Gress à repenser la morale kantienne. Elle n’est pas une morale de la dignité humaine, plaçant l’homme comme valeur absolue, mais une morale de la rationalité, plaçant l’être raisonnable comme valeur absolue, l’homme n’étant ici qu’un cas particulier de cette rationalité. Bien davantage, si l’on pousse au bout la logique, il faut en toute rigueur dire que tout ce qui en l’homme l’éloigne de la raison échappe à cette morale, et qu’en conséquence, Kant n’est pas humaniste, car il n’a pas un respect pour l’homme pris dans toute sa nature, mais seulement pour sa participation à la rationalité.
Citons la thèse défendue par Gress
…nous allons essayer de montrer que la question extraterrestre constitue le fil directeur de la réflexion morale de Kant en ceci que ce dernier cherche à définir une loi morale qui vaudrait pour tout être raisonnable et non pour l’homme seul, ce qui amènera Kant en retour à définir ce qui fait l’humanité de l’homme comme un obstacle à l’observation stricte de la loi morale. 3

Kant, philosophe des lumières par excellence, qui a invité l’homme à penser par lui-même, à croire au progrès, à cesser la violence pour installer en tout lieu le droit, et à traiter l’humanité toujours comme une fin, ne serait en fait pas du tout humaniste. Mieux, il serait anti-humaniste en ceci que l’homme aurait une nature qui ferait globalement obstacle à une morale pure. La thèse a quelque chose de spectaculaire.

La lecture minutieuse que fait Gress de la Théorie du ciel de Kant révèle effectivement que l’existence d’intelligences extraterrestres ne fait aucun doute pour le philosophe. Plusieurs extraits affirment explicitement cette existence. De plus, Kant y affirme que l’homme est entravé par sa constitution corporelle, qui est assez grossière. D’autres textes ultérieurs confirment cette conviction kantienne, notamment lorsque dans la Critique de la raison pure, Kant, pour illustrer une « croyance subjectivement suffisante mais objectivement insuffisante », évoque sa croyance aux intelligences extraterrestres. Kant, c’est indubitable, croit fermement que d’autres planètes, et en particulier la lune, sont habitées. Et tout porte à croire que l’homme, dans cette population d’êtres raisonnables, tient un rang mineur, de par sa grossièreté. De la sorte, on peut mieux comprendre la morale du devoir chez Kant. En effet, l’interdiction absolue du mensonge, même s’il doit en coûter une vie humaine, se justifie par le devoir de respecter l’être raisonnable, qui transcende l’animalité constitutive de l’homme. Par ailleurs, on est aussi amené à comprendre que la morale kantienne s’adresse à tous les êtres raisonnables, et que si on rencontrait des extraterrestres raisonnables, on ne devrait pas leur mentir. Cela n’a donc rien à voir avec un quelconque respect de l’humanité. Kant, donc, n’est pas humaniste.

Toutefois, nous pouvons signaler ici une réserve. Dans l’évocation du problème du mensonge, Gress insiste sur le fait que pour Kant, on ne doit pas mentir car on doit respecter autrui en tant qu’être raisonnable, et donc que la vie d’autrui (qui pourrait être épargnée par un mensonge) importe moins que le respect de sa personne morale, qu’il (autrui) soit victime ou assassin. Par-là, le respect de la rationalité universelle (pas seulement humaine) est garanti. Sur le plan juridique, il est exact qu’on peut m’imputer les conséquences de mon mensonge et il contrevient donc au droit d’autrui. Cependant, sur le plan strictement moral, le mensonge n’est pas tant, pour Kant, une faute envers autrui qu’une faute envers soi-même. La Doctrine de la vertu est très claire à ce propos. La véracité n’est pas un devoir envers autrui, c’est un devoir envers soi-même. Cette remarque ne change à première vue pas grand-chose. Peu importe que je respecte la rationalité en moi ou une rationalité transcendante à laquelle j’appartiens par ailleurs. Mais si on considère la morale kantienne comme une morale qui s’adresse au sujet dans le rapport qu’il entretient avec lui-même, c’est-à-dire une morale dont le cœur est le devoir envers soi (et il y a de bonnes raisons de la considérer ainsi), il semble délicat de maintenir l’idée d’un respect de la rationalité pure, indépendamment de son incarnation concrète. Cela s’accorde bien, par ailleurs, au fait que les premiers devoirs envers soi-même énoncés par Kant dans la doctrine de la vertu soient des devoirs envers l’homme sous le rapport de son animalité : en l’occurrence ne pas se suicider, s’enivrer, se souiller par la volupté. C’est bien tout l’homme qui est ici impliqué par le devoir. Et en ce sens il y a aussi une visée humaniste de cette morale, bien qu’on ne puisse l’y réduire. Peut-être devrait-on dire alors que l’existence d’intelligences extraterrestres n’implique pas tant des devoirs envers eux que la soumission de ces intelligences à la même loi morale qui les oblige à des devoirs envers eux-mêmes. Bref, il y a là, croyons-nous, matière à une discussion plus approfondie.

En tout cas, Gress montre de façon indiscutable que Kant a admis l’existence d’intelligences extraterrestres et que sa conception morale du devoir intègre cette donnée. Il y a bien, en ce sens, une visée « transhumaniste » de la morale kantienne. La morale kantienne n’est pas une morale du respect de l’homme, mais de l’être raisonnable, et sur ce point on ne peut qu’être d’accord.

VI°) Après Kant, et jusqu’à nos jours

Après Kant, Gress et Mirault évoquent aussi plus brièvement Hegel, qui tout en faisant de la Terre la patrie de l’Esprit, n’exclut pas la possibilité des intelligences extraterrestres. Gress s’attache ainsi à montrer le sens exact qu’il faut attribuer à cette idée de Terre comme patrie de l’Esprit.

Nietzsche est aussi évoqué, lequel envisageait dans Aurore une possible rencontre de l’homme avec les extraterrestres, en s’interrogeant sur les conséquences possiblement mortifères d’une telle curiosité.

L’évocation d’Husserl permet de réfléchir quant à elle sur le concept de co-constitution du monde et de ce que cela impliquerait de l’effectuer avec d’autres intelligences.

C’est surtout Bergson qui intéresse Mirault à la fin de l’ouvrage. Bergson évoque en effet explicitement la vie extraterrestre. L’élan vital n’est pas seulement sur Terre, il est à la source de tout l’univers, dont la matérialité n’est que la retombée et aussi le moyen pour la vie de se former. La vie et en particulier la vie intelligente existe donc très probablement ailleurs, et c’est même le sens de l’élan vital.

Non seulement Bergson affirme comme allant de soi l’existence d’autres créatures libres, capables d’amour et donc de Dieu, dans l’univers, mais il est même persuadé que tous les systèmes solaires doivent forcément éclairer et faire vivre des êtres doués d’intelligence et voulus par l’amour du Créateur. 4.

Et pour conclure

Pour conclure, nous n’avons évidemment abordé que quelques points saillants ayant retenu notre attention, mais on apprend beaucoup de choses dans ce livre dense et clair ; on y découvre surtout des choses nouvelles sur des auteurs que l’on n’attendait pas sur ce terrain. On y redécouvre ainsi les cosmologies des différents philosophes, et l’on apprend à voir comment la perspective d’intelligences extraterrestres présente une incidence sur la façon non seulement de penser le monde, mais surtout de penser l’homme. La thèse de Gress sur Kant est vraiment intéressante, originale, et surtout très bien documentée et argumentée.

Peut-être pourrait-on aussi poursuivre et étendre le champ de recherche à la notion d’intelligence non-humaine en général, qui pourrait inclure aussi bien la question des créatures purement spirituelles (les anges, qui sont un peu évoqués dans l’ouvrage), ou simplement mécaniques (les intelligences artificielles). Ces dernières sont sans doute celles que nous nous attendons le plus à rencontrer dans un futur proche, notre époque étant en effet rivée sur la probable naissance de l’IA. A l’inverse, l’angéologie ne semble plus intéresser grand monde à l’Université ; quant aux extraterrestres, la barrière temporelle qui nous sépare d’eux semble à jamais infranchissable. Mais, sait-on jamais.

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  1. Gress et Mirault, La philosophie au risque de l’intelligence extraterrestre, Paris, Vrin, 2017
  2. Ibid., p.91
  3. Ibid., page 104
  4. Ibid., page 175
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