Ferdinand Alquié : Descartes, l’homme et l’oeuvre

Les éditions de la Table ronde viennent de republier simultanément six livres de Ferdinand Alquié dont certains étaient devenus introuvables. Le célèbre commentateur de Descartes et de Spinoza se trouve ainsi remis à l’honneur tandis que le public français peut redécouvrir ses cours consacrés à Descartes, Science et métaphysique chez Descartes1, à Spinoza2 ou à la science3. Toutefois, ces trois ouvrages étaient encore disponibles et ne font l’objet que d’une nouvelle couverture, ce qui n’est pas le cas de la réédition de plusieurs classiques devenu introuvables, comme Descartes, l’homme et l’œuvre4 initialement paru chez Hatier en 1956 ou comme Malebranche et le rationalisme chrétien5, paru chez Seghers en 1977.

Pour l’auteur de ces lignes à qui Alquié apparaît comme le plus grand commentateur de Descartes, à l’égal de Jean Laporte, c’est là une excellente nouvelle qui mérite d’être saluée comme il se doit, le travail mené par Mathias Goy étant à cet égard tout à fait remarquable. Nous nous concentrerons ici sur l’un des six livres republiés, à savoir Descartes, l’homme et l’œuvre qui constitue une forme d’antidote plus que précieux contre un grand nombre de lectures ayant fait de Descartes un simple alibi destiné à produire des lectures se voulant « brillantes » et métaphilosophiques, mais totalement affranchies de la volonté de comprendre tout simplement ce que Descartes avait voulu dire et avait effectivement dit. Par son exigence de compréhension du sens du texte, Alquié nous rappelle que c’est ce dernier qui constitue l’essentiel du matériau sur lequel peut travailler l’historien de la philosophie qui, loin de devoir se mettre lui-même en avant à partir du texte devenu simple tremplin, doit au contraire se mettre à son service afin d’en restituer la cohérence et la profondeur.

A : Une leçon d’histoire de la philosophie

Au-delà de la question cartésienne, la méthode que retient Alquié pourrait servir de fil directeur à un grand nombre d’analyses dans l’histoire de la philosophie. Le propos destiné à expliquer la pensée cartésienne est en effet très souvent émaillé de réflexions sur le rôle de l’historien de la philosophie et sur ce que signifie philosopher. Alquié ferraille à cet égard avec les marxistes de son temps – mais aussi sans doute par anticipation avec une certaine forme d’heideggérianisme qui ne cessa de prendre de l’ampleur – qui soit réduisent une pensée philosophique à l’expression d’un moment historique, donc à l’expression de conditions économico-sociales déterminées, soit la ramènent à un moment dans l’histoire de la métaphysique, autant de façons de faire qui reviennent à manquer ce que le philosophe étudié avait lui-même tenté de produire. De là ce jugement sévère d’Alquié :

« Ces prétendus historiens ne témoignent guère que de leur incompréhension de ce qu’est la philosophie. Ils négligent cette sorte de dimension verticale par laquelle l’homme entre en contact avec la vérité, oublient que le projet du philosophe est de se dégager de l’histoire, et de la juger au lieu de la subir ; ils ne peuvent donc parler d’un philosophe qu’en refusant, d’abord, de l’entendre. Mais ce n’est assurément pas refuser d’entendre Descartes, ni l’expliquer par une causalité externe et mécanique, que replacer son système dans la réalité concrète où il est né, puisque Descartes, pour nous livrer ses pensées, croit nécessaire de nous entretenir de leur histoire. »6

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Mener une analyse en tant qu’historien de la philosophie n’est donc pas, pour Alquié, sans cesse sortir du texte pour essayer de le situer dans une extériorité – historique, sociale, etc. – mais au contraire sonder de l’intérieur le projet mis en œuvre par le philosophe en tant qu’il est porteur d’une certaine expérience de la vérité restituée sous la forme de textes précis et argumentés. En d’autres termes, Alquié a toujours fait du contenu du texte et de son détail l’essentiel de son approche, et a toujours pris ses distances avec les visions de surplomb croyant maîtriser l’histoire tout entière – qu’elle soit économico-sociale ou métaphysique – en manquant la spécificité, l’intention et l’expérience intellectuelle des philosophes étudiés.

En amont de cette critique se joue le statut des énoncés philosophiques : loin d’y voir des faits pouvant être étudiés sous la forme de la succession au sein d’un ensemble qu’il serait possible de surplomber, Alquié y voit des complexions mêlant expériences intellectuelles, rapport à la vérité, ordre argumentatif, évolutions personnelles, et hésitations permanentes. Occulter le fait que les pensées soient produites par des hommes et qu’elles ne se présentent pas comme un corpus de doctrines toutes faites est le péché originel à cause duquel naissent les illusions trompeuses du surplomb et de l’historicisme, et l’oubli de ce qui fait de manière effective qu’une pensée est authentiquement philosophique et non la simple illustration doctrinale d’un moment d’une histoire.

« Les historiens de la philosophie, étudiant des doctrines plutôt que des hommes, des idées plutôt que des pensées, attachent en général peu d’importance à la démarche par laquelle on devient philosophe. Cette démarche paraît, chez eux, aller de soi, et chaque penseur trouve place en une histoire où, par une sorte de filiation continue, les doctrines engendrent les doctrines. Pourtant, rien n’est moins naturel que d’être philosophe, et sans doute nul métaphysicien n’eut-il jamais l’impression de se situer en une histoire de la pensée, de succéder à d’autres comme, en quelque entreprise, un fils peut remplacer son père. Les philosophes ne naissent point de philosophes. »7

Naturellement, la radicalité du propos d’Alquié peut faire l’objet de discussions dans le cas de certains philosophes – peut-on vraiment affirmer ainsi que Fichte, par exemple, ne soit pas essentiellement dans un rapport de « filiation continue » avec Kant ? – mais l’essentiel n’est pas là : il réside dans le rappel de l’importance de la spécificité des pensées, autant que dans celui de l’humilité que doit adopter l’historien de la philosophie qui, bien trop souvent, semble faire preuve d’un hybris certain lorsqu’il croit être capable de définir ce qu’est l’histoire de la métaphysique ou d’affirmer que la pensée de Descartes ne serait jamais qu’un moment de celle-ci.

B : L’évolution cartésienne : de la science à l’ontologie

Un des enjeux de l’interprétation d’Alquié consiste à restituer l’évolution interne des problèmes rencontrés par Descartes. S’il part de questions scientifiques et épistémologiques, il parvient progressivement à des questions d’ordre métaphysique qui changent le terrain de son investigation. Mais seule l’histoire de la pensée de Descartes permet d’en prendre conscience, ce qui revient à dire que le fameux arbre de la philosophie dont les racines seraient la métaphysique, le tronc la physique, et les branches la médecine, la morale et la mécanique ne correspond jamais qu’à un certain état de sa pensée qui ne permet pas forcément de rendre compte des textes antérieurs à ceux des Méditations Métaphysiques. De là l’analyse d’une très grande subtilité que propose Alquié quant au va-et-vient qu’il convient de mener entre les textes afin de comprendre l’évolution des problèmes rencontrés.

« la métaphysique est le fondement dont dérive la physique, et, de la physique, des applications sont à leur tour déductivement tirées.
Descartes, cependant, semble lui-même nous mettre en garde contre une telle façon de concevoir sa philosophie. Tout d’abord, l’ordre logique de ses pensées n’est pas aussi constant qu’on l’imagine : ainsi la méthode, qui, dans la lettre qui précède les Méditations, semble commander la métaphysique, est présentée, dans la Recherche de la vérité, comme lui faisant suite. »8

Cela revient à accorder une importance cruciale à l’histoire de la vie de Descartes, non pas tant du point de vue purement biographique que du point de vue que Descartes lui-même ne cesse de mettre en scène, notamment dans le Discours de la méthode.

« C’est donc Descartes, et non quelque préjugé psychologique, qui nous engage à examiner l’ordre historique dans lequel sont nées ses pensées. Il apparaît alors que Descartes constitua d’abord, du Monde, une science objective, puis, aux environs de 1630, opposa au plan de l’objet celui de l’Être créateur, aperçut ensuite, au moment des Méditations, le cogito comme principe et source de ce dépassement, en attendant de découvrir, dans les lettres à Mesland de 1645, que la pensée contienne une liberté capable de se détourner de l’Être même. Dans le système, la métaphysique précède et fonde la physique. Mais elle lui succède dans le temps, et ne se constitue qu’en réaction contre elle ; elle découvre, par opposition à la finitude non ontologique des objets composant l’Univers de la science l’Infini qui, à chaque instant, les fait être […]. »9

La thèse fondamentale d’Alquié consiste donc à affirmer que Descartes a évolué : s’il voulut commencer par la science, il s’aperçut ensuite qu’elle avait besoin d’un fondement métaphysique, ce qui introduisit une inflexion dans son rapport à la philosophie et au type de vérité recherché. Dans ses leçons consacrées à Descartes, c’est d’ailleurs par ce biais que commence Alquié, prévenant l’auditeur qu’il ne souhaite pas trancher entre les tenants d’un Descartes essentiellement savant et scientifique (Gilson, Adam) et ceux d’un Descartes métaphysicien (Guéroult et Gouhier). Contre cette alternative, Alquié choisit la voie du devenir interne plutôt que celle de l’essence prédéterminée et unifiant l’œuvre ; c’est pourquoi il annonce vouloir examiner « comment Descartes lui-même a conçu le rapport, la relation, entre ces deux disciplines. »10 afin de sonder l’évolution interne de ces relations.

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C : L’Être irréductible à la pensée

A partir de cette double exigence méthodologique – refuser de dissoudre une pensée philosophique dans l’histoire d’un phénomène et intégrer l’évolution et le devenir d’une pensée dans l’interprétation –, il en découle une conséquence immédiate, à savoir prêter une attention très précise au texte, façon de faire qui disqualifie par avance toute déformation plaquant une interprétation de surplomb indifférente à la réalité du propos.

A cet égard, et bien que ce ne soit sans doute pas celle-ci qui soit visée – Alquié vise explicitement les lectures néokantiennes –, on trouve chez Alquié un antidote anticipatoire remédiant à toutes les formes de lecture heideggérienne de Descartes et ce y compris dans le cas de textes de jeunesse comme celui des Regulae. Toute l’analyse qu’en produit Alquié vise en effet à montrer – et cela est plus que probant – que jamais Descartes ne réduit l’être au cogitatum et que, par conséquent, jamais Descartes ne saurait être réduit à l’instaurateur d’une métaphysique de la subjectivité.

La lecture des Regulae est à cet égard exemplaire. Comparant Galilée et Descartes, Alquié se demande ce qui fonde pour chacun des deux l’unité de la méthode. Si celle-ci se justifie par l’unité de la Nature chez Galilée cf. les Systèmes du Monde, de Ptolémée et de Copernic], et donc par l’unité de la matière, Descartes déporte la raison vers l’esprit : il demeure bien une seule méthode mais cette unicité se fonde sur l’unicité de l’esprit11. L’identité de l’esprit humain devient dès lors le fondement de la méthode, ce qui ne constitue pas moins que chez Galilée une remise en cause de la méthode scolastique. « En cela, écrit Alquié, il ne s’oppose pas moins que Galilée à la philosophie de l’École, qui estimait qu’à la diversité des choses doit répondre la diversité des procédés de connaissance. »12

Outre cette opposition frontale à la méthode scolastique, s’ajoute un fait textuel : dans les Regulae, le cogito n’est jamais formulé, et aucun acte réflexif ne se trouve mis en avant. De ce fait, il ne s’y trouve aucune révolution copernicienne consciente, et il est extrêmement délicat de faire de ce texte un élément décisif de la réduction de l’étant au cogitatum dès lors que le cogito n’y est pas thématisé comme tel.

On pourrait alors objecter que, plus tard, le cogito devient le fondement d’une certaine réflexivité, par laquelle toute forme d’être se trouve ramenée au fait même d’être pensée, y compris celle du cogito. Telle est l’interprétation de Heidegger pour laquelle « Ego cogito, c’est cogito au sens de me cogitare. »13 Heidegger reprend cette formule dans nombre de ses cours, notamment dans celui de 1930-1931 consacré à la Phénoménologie de l’esprit de Hegel14 ou dans un autre cours consacré au même Hegel15. L’enjeu, pour Heidegger, est de montrer que rien ne peut échapper, chez Descartes, à la détermination de la pensée, et que tout s’y trouve ramené au cogitatum, y compris l’être de l’ego cogito, ce qui revient à fermer la porte à toute saisie de l’Être comme tel puisque celle-ci est aussitôt interdite par sa réduction à un élément du cogito.

Mais c’est justement là que le bât blesse ; non seulement Descartes n’emploie jamais la formule du cogito me cogitare mais de surcroît toute la logique des textes cartésiens consiste à montrer qu’il y a un Être transcendant le cogito et c’est cet Être-là qui est découvert dans la Seconde Méditation. L’être de l’ego, dans la Seconde Méditation, est justement celui qui, quoi que l’on puisse penser, et y compris si l’on fait l’hypothèse avec le Malin Génie d’une pensée toujours fausse, s’impose comme tel, et impose sa puissance au-delà de ce que l’on peut penser. Alquié, très attentif au détail du texte, comprend fort bien que l’argument du Malin Génie revient à montrer que ce qui est découvert dans la Seconde Méditation est justement ce qui ne se réduit pas à la pensée, puisque celle-ci est disqualifiée par le Malin Génie, ce qui n’empêche pas de reformuler en un second temps la découverte ontologique dans le vocabulaire de la pensée et de la raison.

C’est pourquoi, Alquié oppose le problème des Méditations, qui est un problème d’ordre ontologique, à celui du Discours, qui est d’ordre scientifique. En somme, Descartes cherche à atteindre au moins un être qui ne se réduise pas à ce que la pensée peut en dire. D’où cette analyse à nos yeux incontestable :

« Si les Méditations mettent en cause les structures de notre pensée, c’est seulement en se demandant si l’être répond ou non à ses structures. Aussi, contrairement à ce qui aura lieu chez Kant et dans beaucoup de philosophies post-kantiennes, le primat appartiendra-t-il toujours chez Descartes à l’être, et non à un esprit informant l’être ou donnant aux choses un sens, d’être. »16

Descartes ne réduit donc pas l’être de la pensée à la nature de la pensée elle-même. Bataillant sur deux fronts, discutant autant avec les lectures postkantiennes qu’heideggériennes, Alquié rappelle tout simplement ce que dit le texte de Descartes. Non seulement, la logique de ce dernier impose de comprendre qu’il y a de l’Être irréductible à la pensée, mais de surcroît, à aucun moment il n’est question d’une réduction de l’être de l’ego à la nature de la cogitatio. Descartes n’a jamais écrit au sujet de l’ego, remarque Alquié, cogitatur, ni est cogitatio ni et encore moins est intellectus, cette dernière assimilation visant Gueroult. Il n’écrit même pas sum cogitatio. D’où cette conclusion que, une fois encore, nous considérons comme étant la seule possible au regard des textes[c’est cette voie-là que nous avons modestement creusée dans Descartes et la précarité du monde, Paris, CNRS-Editions, 2012, recensé [à cette adresse.[/efn_note] :

« Il n’est donc pas douteux que l’affirmation de la Méditation Seconde soit, avant tout, celle d’un « je suis », et que cette affirmation précède, en fait, toute autre affirmation. L’être pensant, avant même de comprendre qu’il n’est certain d’être que comme pensée, se saisit purement comme être, et sa première connaissance formulée est non pas « je pense », mais « je suis, j’existe ». Je suis certain d’être avant de savoir ce que je suis. »17

En d’autres termes, en rendant au je pense sa place véritable, Alquié montre qu’il n’y a pas là la préfiguration d’une aperception transcendantale mais au contraire geste singulier par lequel la pensée découvre en elle-même la raison de son dépassement vers l’Être, l’homme n’étant rien d’autre que celui en qui se joue cette double dimension. Loin de n’être que le lointain devancier de Kant, Descartes se voit rétabli dans la singularité de sa pensée, et, du même geste, voit sa philosophie arrachée à la réduction à une lecture postkantienne ou néokantienne qui n’y verrait qu’une mise en place matricielle du transcendantal ou à une lecture heideggérienne qui y verrait la mise en place d’une métaphysique du sujet.

Mais on pourrait alors brandir, contre la lecture d’Alquié, ce que Descartes réaffirme dans les réponses aux septièmes objections, à savoir qu’ « il est vrai néanmoins que du connaître à l’être la conséquence est la bonne, parce qu’il est impossible que nous connaissions une chose si elle n’est en effet comme nous la connaissons, à savoir existante si nous concevons qu’elle existe, ou bien de telle nature s’il n’y a que sa nature qui nous soit connue. »18. Descartes n’expulse pas ici la possibilité que l’Être transcende la connaissance, il rappelle simplement que tout ce qui sera dit ne pourra l’être qu’à partir de ce qui est connu, ce qui n’implique absolument pas que le connu épuise l’Être, ce qu’Alquié synthétise en ces termes :

« Quand il déclare que, de la connaissance à l’Être, la conséquence est la bonne, il ne dissout pas, pour autant, l’Être dans la connaissance ; il n’est ni sceptique, ni kantien, ni idéaliste. »19

D : La création des vérités éternelles

Un élément célèbre de la lecture d’Alquié consiste à présenter la création des vérités éternelles comme un élément majeur de la métaphysique cartésienne. La découverte métaphysique de l’homme chez Descartes en faisait état dès la préface :

« C’est pourquoi la théorie de la création des vérités éternelles nous paraît, non certes le fondement logique de la métaphysique cartésienne (qui, en effet ne la suppose pas), mais son fondement ontologique et réel. Car elle établit la contingence des structures de tout objet scientifique, et en cherche l’origine dans un être transcendant, le Dieu qui les a librement créées. »20

L’introduction reprenait ce thème pour en fixer l’importance : « Rien ne nous semble donc plus fondamental, en la philosophie cartésienne, que la théorie de la création des vérités éternelles […]. »21

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C’est peut-être là que la thèse d’Alquié est à la fois la plus ambiguë et la plus subtile. Elle est ambiguë parce que l’idée d’une évolution de Descartes, le menant de problèmes scientifiques culminant dans le Discours de la Méthode vers des problématiques plus ontologiques exprimées dans les Méditations Métaphysiques rencontre l’obstacle d’une réflexion authentiquement métaphysique exprimée dès 1630 dans les fameuses lettres adressées à Mersenne. Mais en même temps, toute la subtilité de l’approche d’Alquié s’y exprime dans la mesure où cette méditation sur la création des vérités éternelles permet de comprendre que s’introduit un écart entre le moment de l’expérience et celui de l’exposé textuel. Au fond, bien que les textes publiés de jeunesse n’exposent que des problèmes épistémologiques et scientifiques, il n’en demeure pas moins, selon Alquié, que Descartes rencontre très vite des questions d’ordre métaphysique et cherche à fonder selon l’Être le mécanisme qu’il élabore progressivement.

« Dès 1630, Descartes formule donc une théorie par laquelle il semble inaugurer sa métaphysique propre : la théorie de la création des vérités éternelles. (…). La théorie de la création des vérités éternelles n’est pas un maillon de la chaîne des raisons métaphysiques parce qu’elle est, en un sens, toute la métaphysique ; elle est ce dont la métaphysique n’est que l’explication. Elle affirme, en effet, la séparation fondamentale du plan de l’Être et du plan de l’objet, et donne au monde de la science le statut qui permettra au doute de le suspendre, au cogito de l’assumer à titre d’idée, à la véracité divine de lui rendre la vérité qui lui est propre. »22

Derrière cette thèse développée uniquement dans les lettres, se joue, selon Alquié, une double préoccupation, scientifique et métaphysique. Le problème porte d’abord sur ce que l’on connaît : si les essences étaient coéternelles à Dieu, alors il y aurait une sorte de communauté essentielle qui imposerait de connaître toutes les essences pour pouvoir les connaître chacune individuellement. Cela créerait en d’autres termes une interdépendance des vérités éternelles qui rendrait impossible la connaissance méthodique de chacune d’entre elles. Or il nous semble que nous pouvons les connaître individuellement, ce qui plaide en faveur d’une création des vérités éternelles ; mais cette création signifie une scission entre l’Être divin et l’objectivation de sa volonté sous forme de vérités éternelles : n’étant plus coéternelles à Dieu, elles perdent leur profondeur ontologique, mais se rapprochent de nous en tant que, comme nous, elles appartiennent à l’ordre du créé.

« Il en est autrement si toute vérité est créée et posée par Dieu hors de soi. Sans doute l’essence devient-elle alors ontologiquement plus pauvre, puisqu’elle ne participe plus à la vérité divine. Mais elle se suffit en son plan, qui est celui des créatures, et, semblable à nous, qui sommes aussi créés, elle peut être totalement connue de nous. »23

Qu’est-ce à dire ? Au fond Alquié comprend ici que si Descartes, du point de vue de ses écrits, a évolué, il n’en a pas moins éprouvé très vite « une expérience métaphysique fondamentale »24 par laquelle deux éléments cruciaux se sont imposés à lui : le premier est celui d’une irréductibilité de l’Être à la pensée, le second est celui d’un abîme ontologique entre le Créateur et la création. En d’autres termes, si nous pouvons expérimenter l’Être de manière métaphysique, il n’en demeure pas moins que ce dernier ne se laisse aucunement contenir par la pensée, Descartes mettant en scène l’excès de celui-là sur celle-ci ; et en même temps, il décrit l’expérience d’un Être absolument transcendant n’ayant plus rien de commun avec sa création, ce qui a pour effet de rejoindre en une même région ontologique l’être humain en tant que créature et les vérités éternelles en tant que créées.

Pour autant, Alquié est conscient du fait que Descartes n’a jamais publié cette thèse consacrée à la création des vérités éternelles et que, par conséquent, celle-ci ne peut être considérée comme le « fondement » de sa métaphysique ni même comme le contenu de cette dernière, ce qu’il rappelle en maintes occasions.

« Théorie de la création des vérités éternelles et théorie de la création continuée ne constituent pas, cependant, la métaphysique de Descartes. Elles s’y insèrent même difficilement. Les exposés systématiques présenteront une métaphysique du sujet : leur première vérité sera le « je pense ». »25

Mais alors, comment une thèse peut-elle être la plus « fondamentale » des thèses philosophiques de Descartes, et n’être ni fondatrice de sa métaphysique, ni même objet explicite de celle-ci ? La seule solution consiste une fois encore à se rappeler l’importance que revêt chez Alquié la notion d’expérience : il y a une expérience métaphysique de l’abîme entre l’Être créateur et la créature, et il y a une expérience métaphysique de la transcendance de l’Être sur la pensée. Mais cette expérience étant par définition irréductible à la pensée, elle ne peut être dite comme telle, si bien que la métaphysique, en tant qu’elle doit s’ordonner à un discours rationnel, doit rechercher un fondement dicible et rationnellement défendable, et en ordonner les conséquences selon l’ordre des raisons. En d’autres termes, parce que l’Être transcende la pensée, et parce que la métaphysique demeure le dire de la pensée, alors la transcendance absolue de l’Être demeure une expérience et ne saurait être dite comme telle ; mais, en même temps – et c’est en partie là que se joue l’immense subtilité de la thèse d’Alquié –, la métaphysique cartésienne, comme exposition rationnelle et dicible, retraduit dans le langage de la raison et du fondement une expérience qui, comme telle, ne pouvait être ni fondement rationnel ni objet de la métaphysique. Cela revient à dire que le discours métaphysique de Descartes est le signe d’un élément extra-discursif relevant de l’ordre de l’expérience métaphysique, et toute la force d’Alquié consiste à décoder la signification expérientielle du signe discursif.

E : Le problème de l’être du monde

Très riche, l’ouvrage aborde nombre de questions que soulève la pensée cartésienne et il serait hors de propos de prétendre en rendre exhaustivement compte dans cette recension. Un élément, toutefois, nous semble devoir faire l’objet, d’une ultime analyse. Il s’agit de la véracité divine ou, plus exactement, de la non-tromperie divine, et de la garantie de l’existence des corps extérieurs. L’Être, dans la philosophie de Descartes, se rencontre de manière directe deux fois : une première pour l’Ego, une seconde pour Dieu. Se pourrait-il qu’il apparaisse une troisième fois, à l’occasion des corps matériels ?

Il y a là évidemment une des difficultés considérables du cartésianisme, et le statut des corps matériels, notamment exposé dans la 6ème Méditation, ne laisse pas d’intriguer. Si nous avons raison de croire en leur existence, alors il faut accorder aux corps matériels ainsi qu’à la physique qui s’occupe de leur mouvement une substantialité et une certaine densité ontologique ; mais non seulement cela soulève rétrospectivement toute la difficulté du refus des idées adventices dans la Troisième Méditation mais en plus cela semble aller à l’encontre de l’intuition cartésienne inaugurale qui, contre l’aristotélisme, avait vidé la nature de son fond ontologique. Tout cela se complique davantage si l’on songe au fait que l’essence des corps matériels semble se réduire à l’étendue qui relève de la représentation et dont on ne voit pas bien en quoi elle pourrait posséder quelque prétention ontologique.

Face à ces trois difficultés, Alquié va procéder en plusieurs étapes. D’abord, il va rappeler que ce que je me représente des choses ne saurait épuiser leur essence réelle. Ainsi, bien que je me représente les corps matériels selon l’étendue, il n’est pas légitime d’en déduire que la matière n’est que de l’étendue ; en d’autres termes, s’il y a un être de la matière, il ne saurait être ramené à la seule étendue, c’est-à-dire à l’idée que je peux m’en faire. « Ici, affirme Alquié, se révèle le caractère ontologique de la philosophie de Descartes. »26

Admettons donc qu’il y ait plus dans la matière que ce que je peux m’en représenter ; or, admettre cela, n’est-ce pas compromettre la Physique, en tant que cette dernière est contrainte de ramener la nature à l’étendue et donc de faire abstraction de toute sa portée ontologique ? « On peut se demander à bon droit si Descartes peut ainsi réaliser le Monde sans déclarer précisément que l’être du Monde dépasse la connaissance, donc sans ruiner les prétentions ontologiques de la physique elle-même. »27

Il faut ici bien comprendre le problème que soulève Alquié et dont on peut considérer, sans lui faire injure, qu’il ne le résout pas totalement : à partir du moment où l’on admet que Dieu n’est pas trompeur, encore faut-il se demander ce que signifie concrètement ne pas se tromper ou, mieux encore, ne pas être trompé. La question de l’erreur se joue en effet à plusieurs niveaux :
1) elle se joue d’abord au niveau de l’expérience sensible : ce que je sens doit avoir une portée objective, et il semblerait que Dieu garantisse la portée ontologique de ce qui est senti.
2) elle se joue ensuite au niveau de la science : Descartes la présente lui-même comme une fable, tout en montrant à plusieurs reprises qu’elle mérite plus de crédit que celui qui est accordé aux objets de la seule sensation. La garantie divine porte-t-elle sur la dimension fabuleuse de la science ?
3) elle se joue enfin au niveau de la réduction de la matière à l’étendue, réduction qui est opérée par la représentation, et dont on peut se demander si elle entre, elle aussi, dans la garantie d’un Dieu non-trompeur.

La question est donc posée : qu’est-ce que le Dieu non-trompeur garantit exactement ? Me garantit-il qu’il y a de l’être au fondement des corps matériels ? Me garantit-il que j’ai raison de réduire les corps matériels à de l’étendue géométrisable ? Me garantit-il la simple existence de choses sensibles ? Me garantit-il que les raisonnements proposés en physique peuvent prétendre à être davantage qu’une fable ?

A ces questions, les réponses d’Alquié ne sont peut-être pas aussi claires que le reste de son argumentation et accusent une certaine forme d’hésitation. Il nous semble que sa solution est la suivante : à partir du moment où la garantie d’une non-tromperie divine est proposée, elle ne peut jouer que sur l’être même du sensible, ce qui a pour effet de garantir que le monde est sans doute à peu près conforme à ce que l’on peut en connaître immédiatement. Dans ces conditions, c’est paradoxalement la connaissance scientifique qui déforme le monde pris en son sens ontologique, bien que ce soit elle qui me permette de le connaître en un sens rigoureusement scientifique. En d’autres termes, et c’est un remarquable paradoxe, la certitude scientifique, en tant qu’elle donnerait accès à l’être, est abandonnée, du fait même que l’être du sensible se trouve garanti. « Ainsi, note Alquié, le substantialisme de la matière entraîne à la fois la possibilité d’une connaissance ontologique, et l’impossibilité de la certitude totale à l’intérieur de cette connaissance. »28

Nous ne sommes pas sûr d’être entièrement convaincu par ces analyses d’Alquié, pour la simple et bonne raison que nous ne sommes pas sûr que Descartes ait réellement été amené à défendre l’être de la matière ni même qu’il ait considéré qu’il y avait plus dans la matière que de l’étendue. Nous avons exprimé nos doutes dans un précédent ouvrage29 et n’allons pas ici en reprendre toute l’argumentation. Néanmoins, il faut reconnaître à Alquié l’immense mérite d’attirer l’attention sur la difficulté considérable que constitue la 6ème Méditation et sur l’hésitation curieuse qui se retrouve à la fin des Principes de la Philosophie : la quatrième partie se clôt en effet par une réflexion sur l’être de la matière, qui ne laisse pas d’intriguer : le § 204 admet sans discuter la possibilité que les explications de la physique mécanique ne soient pas les bonnes mais il ajoute aussitôt que cela ne serait pas bien grave tant que les effets sensibles demeurent les mêmes que ceux que produirait la connaissance des bonnes causes. En d’autres termes, il est fort possible que ce que l’on connaît scientifiquement de la nature n’ait rien à voir avec ce que Dieu a créé, mais tant que notre connaissance fonctionne, il n’est pas grave de se tromper. Cela semble signifier très clairement que la garantie d’un Dieu non-trompeur ne porte absolument pas sur la véracité de la réduction de la matière à une étendue géométrisable. De ce point de vue-là, Alquié a raison : la certitude scientifique s’effondre et ne devient qu’une probabilité à mesure que s’étend la garantie divine.

Mais le texte ne s’arrête pas là et il continue sur trois paragraphes. Le § 205 introduit une raison morale de croire à la validité des sciences, tandis que le § 206, de manière assez alambiquée, réinvestit l’ensemble de la réflexion sur la garantie divine et ramène au premier paragraphe de la seconde partie pour justifier la croyance dans l’être du monde matériel. Or le fait est que, si la démonstration était acquise dès le début de la seconde partie, on ne comprend pas pourquoi l’hésitation reviendrait au § 205, et pourquoi il faudrait à nouveau reproduire une argumentation dans le § 206.

C’est pourquoi, il nous semble que Descartes – et sur ce point, nous nous écartons d’Alquié – a sans doute éprouvé ce que nous appelons la « précarité du monde », c’est-à-dire son inconsistance ontologique foncière, et que cette précarité appartient à son expérience métaphysique. Ce serait là la raison pour laquelle Descartes ne pourrait jamais démontrer l’être du monde, et se contenterait de montrer qu’il est hautement probable, compte-tenu de la nature non-trompeuse de Dieu, que notre croyance en l’existence du monde, substantiellement fondée, n’est pas absurde. Néanmoins, toutes les hésitations – voire les incohérences – des textes consacrés à ce problème nous semblent plaider en faveur d’un Descartes peu convaincu par la portée ontologique du monde.

Conclusion : l’homme cartésien selon Alquié

Ce petit livre apparaît donc comme l’une des meilleures introductions qui soit pour qui voudrait s’initier à la pensée de Descartes, tant il allie rigueur, précision et intelligence des textes. La modestie de l’auteur confère à l’écriture un agrément permettant de ne pas subir l’ego du commentateur qui, trop souvent, fait écran entre le lecteur et la philosophie de Descartes.

En outre, la notion d’homme telle que la thématise Alquié se trouve ici parfaitement exposée. On sait que La découverte métaphysique de l’homme chez Descartes ambitionnait de démontrer que Descartes faisait de l’homme une sorte de croisement entre l’objet et l’Être ou, plus exactement, faisait de l’homme celui par qui la connaissance de l’objet devait devenir volonté de se rapporter à l’Être. Ces analyses culminaient dans la lecture des Méditations, acmé de la découverte métaphysique révélant l’être de l’homme « et non l’esprit connaissant ou l’objet connaissable. »30

Mais, d’une certaine manière, c’est peut-être dans ce Descartes, l’homme et l’œuvre qu’Alquié parvient à l’explication la plus claire quant à ce qu’il entend par « découverte métaphysique de l’homme » et, partant, par homme au sens cartésien du terme. L’homme est ce nœud à travers lequel se croisent la certitude scientifique de maîtrise du monde et l’accès à l’Être mettant en doute le monde. Le je pense est donc fondement paradoxal d’une compréhension du monde selon la pensée, et d’un dépassement de cette dernière vers l’Être, mouvement métaphysique par excellence révélant l’irréductibilité du cartésianisme à une noétique ou à une épistémologie.

« Le mouvement de Dieu au monde par le chemin de la véracité divine, de la vérité des essences et de la connaissance scientifique, c’est le mouvement temporel de la prise du monde par une technique certaine. Le mouvement du monde mis en doute à la certitude du moi et à celle de Dieu, c’est le mouvement de retour à l’être, qui est toute la métaphysique. L’homme seul rend possible la coïncidence de ces deux mouvements contraires, qui définissent sa situation et font de son être celui d’une liberté. »31

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Regards croisés

  1. Ferdinand Alquié, Science et métaphysique chez Descartes, Paris, la Table Ronde, 2017
  2. cf. Ferdinand Alquié, Leçons sur Spinoza, Paris, la Table Ronde, 2017
  3. Ferdinand Alquié, La philosophie des sciences, Paris, la Table Ronde, 2017
  4. Ferdinand Alquié, Descartes, l’homme et l’œuvre, Paris, la Table ronde, 2017
  5. Ferdinand Alquié, Malebranche et le rationalisme chrétien, Paris, la Table ronde, 2017
  6. Descartes, l’homme et l’œuvre, op. cit., p. 13
  7. Ibid., p. 93
  8. Ibid., p. 8
  9. Ibid., p. 10
  10. Ferdinand Alquié, Leçons sur Descartes, op. cit., p. 12
  11. Nous nous permettons de renvoyer sur ce point précis à nos analyses dans Thibaut Gress, Descartes. Admiration et sensibilité, Paris, PUF, coll. Philosophies, 2013, p. 23-28. On en trouvera une recension [à cette adresse.
  12. Descartes, l’homme et l’œuvre, op. cit., p. 36
  13. GA 7, 72 ; tr. fr., p. 85
  14. cf. HEIDEGGER, Hegels Phänomenologie des Geistes (Wintersemester 1930/31), Hrsg.: I. Görland, 19973, § 12b, GA, 32 : Heidegger y affirme que la Seconde Méditation pose une équivalence entre cogitare et cogitare me cogitare.
  15. HEIDEGGER, Hegel, GA, 68, Klostermann, 1993, p. 76 : « L’essence de la conscience est la conscience de soi ; tout cogito est un ego cogito me cogitare. Le videre et l’ambulare eux-mêmes sont un cogitare dans la mesure où ils sont véritablement, c’est-à-dire ne sont en toute certitude, que sur le mode du cogitatum dans le cogito me videre, cogito me ambulare. C’est pourquoi Descartes dit, au § 9 de la première partie des Principia Philosophiae de 1646: „Cogitationis nomine, intelligo illa omnia, quae / nobis consciis/in nobis fiunt, quatenus eorum in nobis conscientia est“. », p. 76, traduction Alain Boutot, Gallimard, 2007, p. 93
  16. Alquié, Descartes, l’homme et l’œuvre, op. cit., p. 122-123
  17. Ibid., p. 127
  18. Descartes, Réponses aux septièmes objections, FA II, 1025
  19. Alquié, Descartes, l’homme et l’œuvre, op. cit., p. 47
  20. Ferdinand Alquié, La découverte métaphysique de l’homme chez Descartes, Préface, Paris, PUF, coll. Épiméthée, 1966, p. X
  21. Ibid., p. 7
  22. Alquié, Descartes, L’homme et l’œuvre, op. cit., p. 63-64
  23. Ibid., p. 67
  24. Ibid., p. 68
  25. Ibid., p. 75
  26. Ibid., p. 177
  27. Ibid., p. 179
  28. Ibid., p. 186
  29. Cf. Thibaut Gress, Leçons sur les Méditations Métaphysiques. Baroque et art d’écrire, Paris, Ellipses, 2013, p. 234-251
  30. La découverte métaphysique…, op. cit.,, p. 158
  31. Alquié, Descartes, l’homme et l’œuvre…op. cit.,, p. 17
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Ancien élève de l’ENS Lyon, agrégé et docteur en Philosophie, Thibaut Gress est professeur de Philosophie en Première Supérieure au lycée Blomet. Spécialiste de Descartes, il a publié Apprendre à philosopher avec Descartes (Ellipses), Descartes et la précarité du monde (CNRS-Editions), Descartes, admiration et sensibilité (PUF), Leçons sur les Méditations Métaphysiques (Ellipses) ainsi que le Dictionnaire Descartes (Ellipses). Il a également dirigé un collectif, Cheminer avec Descartes (Classiques Garnier). Il est par ailleurs l’auteur d’une étude de philosophie de l’art consacrée à la peinture renaissante italienne, L’œil et l’intelligible (Kimé), et a publié avec Paul Mirault une histoire des intelligences extraterrestres en philosophie, La philosophie au risque de l’intelligence extraterrestre (Vrin). Enfin, il a publié six volumes de balades philosophiques sur les traces des philosophes à Paris, Balades philosophiques (Ipagine).