N. Depraz et N. Parant (éd.) : L’écriture et la lecture : des phénomènes miroir ? L’exemple de Sartre

Qu’est-ce qu’écrire ? Qu’est-ce que lire ? Y a-t-il symétrie, complémentarité, opposition, exclusive ou alternative entre ces deux actes ? On sait que l’écriture et la lecture sont des phénomènes qui ont donné lieu à de multiples études : sur le plan philosophique, il y a ainsi Derrida1 ; quant au plan littéraire, il y a bien sûr Blanchot2 ou encore Julien Gracq3. Pourtant, l’écriture et la lecture demeurent toujours énigmatiques, sollicitant toujours un foisonnement d’interrogations : c’est justement l’ambition de ce volume que de tenter de formuler ces interrogations et d’en chercher des réponses possibles.

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Seulement, toute réponse à ce niveau suppose l’inscription dans un champ déterminé : c’est pourquoi, tout en laissant la possibilité de porter l’attention sur un versant large du problème, le débat ici4 a voulu aussi se centrer sur une perspective particulière et donner lieu à des analyses situées. En l’occurrence, Sartre a paru être un excellent fil conducteur en la matière : puisqu’il est bel et bien au centre des questions de l’écriture et de la lecture, telles qu’elles se déploient tant dans le champ philosophique que littéraire. Il n’est que de s’en remettre à son ouvrage autobiographique, Les Mots, pour attester son ancrage évident dans les problématiques de l’écriture (pp. 113-213) et de la lecture (pp. 1-112) : l’une et l’autre, en effet, sont les deux versants à partir desquels Sartre pense son individualité, de telle sorte que s’interroger sur Sartre à la lumière de ces phénomènes paraît être la façon la plus fidèle, et la plus belle et authentique, de le comprendre ― car c’est se donner la possibilité de le voir tel qu’il s’est vu lui-même, avec la fausseté mais aussi avec la justesse et la richesse que peut comporter tout regard sur soi-même. Par suite, la manière la plus pertinente d’approcher Sartre nous a donc semblé trouver son expression dans les questions suivantes : qu’est-ce qu’écrire et lire selon ou avec Sartre ? Et que recouvre l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Afin d’y répondre, le volume a choisi de s’étager sur plusieurs niveaux, chacun étant à même de délivrer une ou des réponse(s) aux questions qui se posent.

Dans cette optique, le problème s’est vu d’abord considéré sous son versant thématique, du fait que Sartre a livré un certain nombre de textes philosophiques et littéraires traitant de l’écriture et de la lecture : la première approche possible de la question analyse ainsi ces phénomènes en tant que thèmes sartriens.

En outre, et de façon plus originale, le problème a également été approché sous son aspect pratique : il s’est agi, en ce cas, d’examiner la praxis mise en place par l’écriture sartrienne tout autant que par la lecture des textes de Sartre. Au sujet de l’écriture, il a fallu ainsi remonter à un niveau fondamental de la question et, d’ailleurs, largement inexploré : car il y a ce que Sartre pense et dit de l’écriture mais, plus loin, il y a aussi son écriture, celle dans laquelle ― ou depuis laquelle ― l’écriture fait l’objet de la réflexion et du discours. À ce propos, les questions qui se sont posées à nous ont par exemple été les suivantes : comment Sartre écrit-il ou use-t-il de l’écriture ? Quelle(s) est (sont) la (les) spécificité(s) propre(s) à son écriture ? Quel(s) emploi(s) fait-il des mots ? De même, au sujet de la lecture, il n’y a pas seulement ce que Sartre dit de la lecture : il y a également l’expérience qui s’éprouve en lisant ses textes ou le vécu généré par la lecture des textes en lesquels, justement, il thématise la lecture. Dans cette perspective, les problèmes à soulever ont notamment été les suivants : comment lire Sartre ? Quelle(s) lecture(s) de lui-même Sartre appelle-t-il ? Quel(s) sens admet la lecture des textes sartriens ? Quel(s) usage(s) de la lecture est (sont) alors en jeu ?

Sur toutes ces questions, qui ont trait à la thématique comme à la pratique, l’ensemble des contributions proposées ici se sont donc penchées ― ceci, que ce soit en considérant l’écriture et la lecture sous la forme, stricte, de dimensions miroir (Alain Flajoliet), ou bien en portant ses yeux sur la branche autobiographique de l’œuvre sartrienne (Martine Marzloff, Natalie Depraz, Christine Daigle et Noémie Parant), ou bien encore en soumettant Sartre à la possibilité de la re-lecture et de la ré-écriture (Jean-François Louette et Adrian van den Hoven), ou bien enfin en ouvrant le débat sur des auteurs comme Derrida, Blanchot et Julien Gracq (Patrice Bougon, Etienne Pinat et Maël Renouard). Tels sont, ainsi, les divers horizons développés dans le présent volume ― sachant que, tous, ont pour trait commun de porter en eux le projet de saisir ce que recouvrent, dans l’espace sartrien, les phénomènes de l’écriture et de la lecture.

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  1. Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967 et L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967.
  2. Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955 et L’Écriture du désastre, Paris, Gallimard, 1980.
  3. Julien Gracq, En lisant, en écrivant, Paris, Corti, 1998.
  4. cf. Nathalie Depraz et Noémie Parant (éd.), L’écriture et la lecture : des phénomènes miroir ? L’exemple de Sartre, Universités de Rouen et du Havre, 2011.
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