Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies : Dieu – La science Les preuves

Acheter Dieu – la science, les preuves.

Acheter le Monde s’est-il créé tout seul ?

Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies ont publié en octobre 2021 un ouvrage destiné au grand public et dont le titre est éloquent : Dieu, la science, les preuves[1]. Un livre en apparence épais, mais qui se lit en réalité assez vite, car le contenu n’est pas très dense, et émaillé de nombreuses citations, documents, photographies, qui allègent considérablement le contenu proprement dit. Le but de l’ouvrage est clair, montrer que les découvertes les plus récentes prouvent la thèse d’un Dieu créateur, lequel se trouve être celui qui est annoncé par la Bible. Il s’agit d’un ouvrage d’apologétique, sur fond de concordisme. L’ouvrage se veut un exposé complet et mis à jour des preuves de l’existence de Dieu, et s’adresse aussi bien aux croyants qui voudraient y puiser des ressources argumentatives, qu’aux sceptiques et aux athées auxquels l’ouvrage souhaite lancer un défi.

Dans les milieux savants mais aussi théologiques, l’ouvrage a été accueilli de manière plutôt réservée[2]. En effet, exploiter les ressources des sciences pour justifier la foi peut-il être pertinent ?

  • Les preuves scientifiques de l’existence de Dieu

Bolloré et Bonnassies développent 3 preuves de l’existence de Dieu, qui seraient soutenues par les découvertes en science contemporaine.

  • L’univers a un début (le big bang). Or, ce qui a un début a une cause extérieure, laquelle ne peut être que Dieu.
  • L’univers est dès l’origine finement réglé avec des constantes physiques si précises qu’elles ne doivent rien au hasard. Il y a donc un créateur intelligent à l’origine de l’univers.
  • Les êtres vivants possèdent, même pour les plus élémentaires, un niveau de complexité tellement grand qu’ils ne peuvent avoir surgi par hasard de l’inerte. La vie a donc nécessairement une intelligence créatrice pour origine, qui est Dieu.

Il n’y a rien de bien neuf, rien en tout cas qui justifie le sous-titre de l’ouvrage : « L’aube d’une révolution ».  En reprenant la classification que Kant établit des arguments possibles pour l’existence de Dieu, on reconnaît dans la preuve 1 l’argument qu’il nomme « cosmologique » – l’univers doit avoir une cause première –, et dans les preuves 2 et 3 l’argument qu’il nomme « physico-théologique » – l’ordre interne au monde manifeste un créateur intelligent. Revenons sur la manière dont les auteurs exposent ces preuves.

 

  • La preuve par le big bang

La théorie du big bang prouverait que Dieu existe. En effet, « tout ce qui a un début a un créateur »[3]  « Si l’univers a un commencement temporel, c’est aussi qu’il a une cause qui le précède… ».[4] L’entropie, qui indique la mort thermique de l’univers, le fond diffus cosmologique, qui valide la théorie du big bang, convergent vers ce fait du commencement de l’univers. Mais comment l’univers a-t-il pu commencer à partir de rien ? Il lui faut bien une cause. Dieu existe donc. De plus, on peut constater que cette thèse d’un univers qui a un début est une thèse qui a eu l’hostilité des savants athées et matérialistes, car elle accrédite l’idée de création ex nihilo présente dans la Genèse. Tout un chapitre de l’ouvrage – « le roman noir du Big bang » – est ainsi consacré à la persécution des tenants du big bang par les matérialistes et les régimes athées – en particulier communistes. C’est une véritable inquisition matérialiste qui est décrite ici par les auteurs.

Que penser de cette preuve ? On peut relever deux erreurs principales. La première est de tenir la théorie du big bang pour une vérité absolue. Or, il s’agit d’une simple hypothèse, d’un modèle. Une théorie scientifique n’est pas une vérité absolue, c’est une hypothèse qui s’accorde pour un temps avec nos expériences, et qui demeure jusqu’à ce qu’une expérience nouvelle invite à la revisiter. Les auteurs semblent se représenter la science comme un ensemble homogène et en progrès, qui converge peu à peu vers la vérité en empilant des certitudes. Nous serions ainsi à l’aube d’une « révolution », puisque la science aurait à ce jour suffisamment avancé pour mettre en évidence des vérités fondamentales sur l’univers et la vie qui coïncideraient avec les données de la foi chrétienne. Le fait que la physique contemporaine soit tiraillée entre des modèles contradictoires – relativité générale et mécanique quantique –, le fait qu’il existe tout simplement des controverses – y compris au sein de la théorie du big bang, qui est en chantier et non achevée – qui font la vie de la science, échappe au regard des auteurs, qui se retranchent derrière la vision plus commode du progrès linéaire et des théories incontestables car prouvées.

La seconde erreur, qui est sans doute le point clé de tout l’édifice, porte sur la confusion de trois concepts distincts. Celui d’un Créateur, celui d’un commencement de l’univers, et enfin celui du big bang. Pour les auteurs, ces concepts sont liés nécessairement. Poser l’un, c’est poser les deux autres. Exclure l’un, c’est exclure les deux autres. Pourtant, l’on peut très bien concevoir un Dieu créateur sans concevoir un commencement de l’univers. Ce sont deux problèmes distincts. Chez Thomas d’Aquin, il y a d’ailleurs cinq voies pour montrer l’existence de Dieu, mais il n’y aucun argument rationnel décisif pour démontrer un quelconque commencement du monde ; ce dernier est un article de foi. La création, chez Thomas d’Aquin, ce n’est pas le commencement, mais l’acte par lequel Dieu produit et tient tout étant au-dessus du néant. La création est donc actuelle, elle n’est pas un fait passé, et elle n’exclut pas l’idée d’un univers qui a toujours existé.

Cette distinction du problème de l’existence de Dieu et du problème du commencement du monde est essentielle. En effet, puisque Dieu est présent ici et maintenant dans toute sa création, on doit pouvoir le retrouver ici et maintenant dans toute créature ; il n’y a pas besoin de chercher le fond diffus cosmologique, une fleur ou un caillou suffisent. La preuve de l’existence de Dieu n’appartient donc pas aux savants privilégiés avec leurs télescopes surpuissants. En d’autres termes, toute réalité créée pointe vers son Créateur. C’est le sens de l’argument cosmologique.

Big bang et commencement de l’univers sont également deux notions distinctes. Et ceci pour plusieurs raisons. D’abord parce que le big bang est un modèle qui s’inscrit dans la matérialité, autrement dit dans ce qui est représentable et descriptible en termes d’équations. Le modèle du big bang décrit un état primitif de l’univers observable, rien de plus. Le concept d’un commencement absolu de l’univers échappe quant à lui à toute représentation matérielle ou mathématique. Les deux concepts ne se recoupent donc pas. L’un est proprement physique, l’autre est métaphysique. Ensuite, il est nécessaire de remarquer que le modèle du big bang n’exclut pas l’idée d’un univers qui a toujours existé. Et ceci, par les mêmes raisons que les limites de l’univers observable n’excluent pas la présence d’autres « univers » au-delà de ces limites. Poser une limite à ce qui est observable et descriptible n’implique pas qu’il n’y a rien en deçà ou au-delà.

On peut enfin accorder aux auteurs qu’un commencement absolu du monde peut en effet impliquer un créateur. Si on parvenait à montrer de manière certaine que le monde a commencé, on peut en effet accorder que la thèse d’un créateur s’en trouverait nettement renforcée. Mais aucun argument ne permet d’affirmer un tel commencement, et certainement pas un modèle physique, comme nous le disions plus haut. D’ailleurs, les auteurs semblent avoir en filigrane conscience de cette difficulté, et se rabattent sur un argument bien connu : un univers qui a toujours existé suppose un temps infini dans le passé. Or, l’infini étant ce qui ne peut être parcouru, le moment présent n’aurait pu être atteint. Les auteurs ne semblent pas savoir que cet argument, cependant, a été réfuté par Thomas d’Aquin (Voir Somme contre les gentils, II, 38).

 

  • La preuve par l’ordre et le réglage fin de l’univers

Cette preuve est la plus populaire, et peut-être la plus convaincante. Elle peut prendre plusieurs formes, selon qu’on l’appuie sur l’observation du vivant ou de l’univers en général. Les auteurs convoquent deux arguments : le principe anthropique d’une part, et l’organisation du vivant d’autre part.

Le principe anthropique, au sens fort, stipule que l’univers est naturellement ajusté en vue de produire l’homme, et que ceci n’a pu se produire par hasard. En effet, le moindre décalage infinitésimal dans la valeur des constantes physiques aboutirait à un univers « mort », incapable de produire des étoiles, et in fine, incapable d’engendrer l’homme. Il s’agit d’un argument bien connu, qui est notamment invoqué par l’astrophysicien Trin Xuan Thuan[5], afin de contester une genèse matérialiste de l’univers. Les auteurs n’ajoutent rien de bien nouveau à l’argument, mais pensent sans doute en augmenter la force en multipliant, sur plusieurs pages, des citations de savants. Sorties de leur contexte, elles installent pour le lecteur l’idée que tous les scientifiques adhèreraient plus ou moins au principe anthropique. Ce qui ne reflète pas la réalité. En effet, les différentes enquêtes d’opinions ne montrent pas une soudaine résurgence du théisme chez les physiciens. On peut donc reprocher ici un biais évident : ne sont sélectionnés que les faits et les citations qui confirment la thèse de départ, sans qu’une présentation plus objective du problème ne soit conduite.

En effet, cet argument est bien connu, mais il n’entraîne pas pour autant la reconnaissance d’un créateur. Le concept de multivers, par exemple, permet d’imaginer que notre univers est un univers bien réglé parmi un nombre indéfini d’univers qui, eux, ont d’autres paramètres stériles. C’est le principe darwinien de sélection naturelle appliqué à la physique. C’est d’ailleurs l’hypothèse envisagée par Hawking. Les auteurs considèrent toutefois que le concept de multivers est une échappatoire pour les athées, qui ne veulent pas reconnaitre l’existence de Dieu : « Les multivers apparaissent en fait comme des échappatoires pour contourner un véritable questionnement métaphysique »[6].

Le raisonnement des auteurs pose peut-être un problème d’un autre ordre. Car cette manière de vouloir que le monde ait nécessairement un créateur intelligent parce qu’il était infiniment improbable qu’il surgisse par hasard laisse en fait entendre qu’il aurait pu surgir « par hasard », c’est-à-dire qu’il y a une possibilité, aussi infime soit-elle, que cela soit le cas. Ce qui suffit à notre sens pour ruiner la certitude de l’existence de Dieu qu’on prétend obtenir, et l’idée même de création. Tout argument de type probabiliste, qui explique qu’il y a 99.99 % de chances pour que l’évènement A se soit produit, laisse nécessairement entendre que l’évènement B était aussi possible, bien que très improbable. En d’autres termes, ce n’est pas la faible probabilité d’un évènement, aussi minime soit-elle, qui peut démontrer à elle seule la présence d’un créateur intelligent qui est à son origine, mais bien plutôt l’impossibilité absolue pour cet évènement d’exister sans créateur intelligent.

Lorsque les auteurs convoquent l’organisation du vivant à l’appui de l’existence d’un créateur, ils ne font que prolonger sur le terrain biologique l’argument de l’intelligence organisatrice. Il est vrai que le monde vivant et son organisation sont un défi pour l’intelligence humaine, en particulier si l’on veut expliquer cette organisation uniquement par le hasard et la nécessité. Mais la manière d’argumenter des auteurs est assez maladroite en ce qu’ils expliquent que la différence entre l’inerte et le vivant ne peut pas être franchie naturellement, mais requiert une intervention divine. Au lieu de voir en quoi les êtres vivants témoignent de l’existence d’un créateur, les auteurs argumentent à partir des déficiences de la science actuelle : puisqu’on ne peut pas expliquer comment le vivant surgit de l’inerte, c’est donc que Dieu existe !

« Depuis les années 1970, les scientifiques ont arrêté toutes les tentatives pour obtenir l’apparition de la vie à partir de l’inerte. Ce renoncement sonne comme une prise de conscience : oui, nous sommes aujourd’hui face à une énigme qui nous dépasse». [7]

Que dire ? Sinon que cette « preuve » est contreproductive. Que se passera-t-il le jour où un savant produira un être vivant à partir de l’inerte ? L’existence de Dieu serait-elle suspendue à ce défi ? Les auteurs ne mentionnent d’ailleurs pas les travaux de création artificielle de la vie. Par exemple, des chercheurs sont parvenus à remplacer les gènes naturels de la bactérie Escherichia Coli avec des gènes artificiels[8]. Certes, ce n’est pas la création d’un être vivant à proprement parler. Et peut-être d’ailleurs que les auteurs ont raison en supposant que c’est impossible. Ils ne seraient pas les seuls à le penser. Henri Bergson, pour ne citer que lui, considérait également qu’on ne pouvait pas recréer la vie à partir d’un assemblage d’éléments inertes. Quoi qu’il en soit, en quoi l’existence de Dieu exclurait-elle la possibilité pour le vivant de surgir par des causes naturelles à partir de l’inerte ? Pourquoi faudrait-il nécessairement son intervention directe, sa « main invisible » pour opérer ce passage ? Des philosophes théistes ont bien conçu, à l’image de Leibniz, un univers entièrement vivant, où il n’y a rien de mort, et où la frontière entre vivant et inerte n’est donc pas infranchissable. Il est enfin très facile de voir dans cet argument ce qui est régulièrement critiqué par l’esprit scientifique issu du positivisme. Quand on ne parvient pas à expliquer quelque chose, on invoque le surnaturel ; mais ce surnaturel disparait le jour où on parvient à tout réduire aux lois expérimentales. Fonder la foi sur les défauts de la science est une fondation, en ce sens, fragile, et qui donne au contraire des arguments solides pour l’athéisme scientifique d’inspiration positiviste.

 

  • Les preuves de la véracité de la foi chrétienne

La seconde partie de l’ouvrage est de l’apologétique à proprement parler. Si la première partie devait conduire à la reconnaissance d’un créateur, la seconde doit conduire à reconnaitre que ce créateur est le Dieu du christianisme. Il y a trois étapes. La première consiste à montrer que l’ancien testament est divinement inspiré. La seconde consiste à reconnaitre en Jésus le fils de Dieu, et enfin à reconnaître les miracles.

En premier lieu, les auteurs de la Genèse sont présentés comme disposant de connaissances inaccessibles à leur époque, ce qui attesterait du caractère divin de ces textes. Par exemple le fait que le soleil et la lune soient des luminaires (et non des dieux), que l’univers ait commencé (ils auraient donc anticipé le big bang), ou encore que l’humanité ait une même origine. On trouve dans un même esprit des vidéos sur YouTube présentant les « miracles du Coran », où certains versets, sous leur forme poétique, sont censés décrire le big bang, la génétique moderne, ou encore la physique quantique. Cette démarche est d’autant plus contestable qu’on peut la retourner contre elle-même, et montrer que la Genèse présente une conception très éloignée des découvertes de la science moderne ; l’Ancien Testament concorde très bien avec une Terre plate (même si cette forme n’y est pas explicitement affirmée)[9] au centre de l’univers et qui n’a que 6000 ans, et très mal avec notre univers contemporain et la théorie de l’évolution. Cette démarche est donc contreproductive.

Pour argumenter que le peuple juif a été choisi par Dieu, et a donc un destin « au-delà de l’improbable », les auteurs listent les réussites et les résiliences spectaculaires de ce peuple. Mais on ne sait trop que penser d’un argument comme celui-ci : les juifs sont surreprésentés dans les prix Nobel, ce qui prouve qu’ils ont un destin hors du commun, qui a été scellé par Dieu : « 22% des prix Nobel sont juifs, alors qu’ils ne représentent que 0.25% de la population mondiale »[10]. Passer de la physique théorique de haut niveau à un argument de ce type laisse songeur.

Vient ensuite une partie sur Jésus. Les auteurs reprennent un argumentaire qui n’a rien de neuf, et qui consiste à montrer que Jésus a bien existé – contre la théorie mythiste qui prétend le contraire –puis qu’il ne peut être qualifié de fou, de sage ou de prophète, et qu’il est donc bien, en toute probabilité, le fils de Dieu. En clair, celui qui refuserait de reconnaître Jésus pour le fils de Dieu devrait prendre le parti le moins probable, et en quelque sorte être moins rationnel que celui adhère à cet article de foi. On voit clairement que dans cette partie, on est sorti de la réflexion scientifique pour entrer dans de l’apologétique. Ceci n’a rien de critiquable en soi, à condition de bien le préciser au lecteur. Or, les auteurs maintiennent volontairement un flou sur ce sujet. Au début du livre, ils prétendent simplement parler d’un Dieu créateur, le Dieu des philosophes, qui n’est pas celui d’une religion en particulier. Puis, on s’aperçoit en réalité que c’est bien du Dieu des catholiques qu’il s’agit. Cela ne coutait rien de le préciser dès le départ.

Les choses sont encore plus explicites lorsqu’il s’agit pour les auteurs de « démontrer » que des miracles ont eu lieu. Les auteurs choisissent le « miracle » de Fatima de la « danse du soleil ». Nous ne pouvons pas nous prononcer ici sur le sujet. Mais on peut néanmoins s’étonner du choix de ce « miracle ». Il y avait pourtant fort à faire avec les cas de guérisons spontanées et inexpliquées, pour lesquelles il peut y avoir par ailleurs des dossiers scientifiques solides. Et bien sûr, aucun cas n’est fait des possibles « miracles » attestés par d’autres religions.

On a enfin droit à un argument moral. Si Dieu n’existait pas, tout serait permis. L’idée sous-jacente nous semble être la suivante : l’athéisme matérialiste est un danger moral, alors que la foi chrétienne nous protège des mauvaises conduites. Les auteurs, reprenant la formule bien connue de Dostoïevski dans les « Frères Karamazov », écrivent en effet : « Si Dieu n’existe pas, le mal n’existe pas et tout est permis »[11]. Un exemple choc est trouvé : d’un point de vue matérialiste, écraser un moustique ou un enfant serait la même chose, à savoir une reconfiguration de matière. Les matérialistes apprécieront.
Cet argument n’a en réalité pas beaucoup de sens, si ce n’est qu’il semble réduire la foi en Dieu à une nécessité morale. Il faudrait se précipiter d’être croyant si l’on ne veut pas que la société sombre toute entière dans la décadence, le crime, la barbarie. On peut bien sûr légitimement s’interroger sur les sources de la conscience morale, et même y reconnaitre la présence de Dieu ; ce serait au fond une thèse assez classique, que l’on retrouve chez Rousseau par exemple. Mais l’on peut remarquer, plus profondément, que la reconnaissance de l’existence de Dieu ne changerait pas grand-chose au problème moral. Pour prendre un exemple biblique bien connu, Caïn a connaissance de l’interdit du crime comme de l’existence de Dieu. Cela ne l’empêche pas de commettre son crime. On peut même soutenir en un sens que c’est parce que Dieu existe que tout est permis, puisqu’il nous laisse libres de nos actions en vertu du libre-arbitre.

 

Conclusion

Les auteurs veulent montrer dans cet ouvrage que les vérités découvertes par la science contemporaine permettent de démontrer l’existence de Dieu, et qu’il y a des arguments suffisants pour montrer que ce Dieu est celui du christianisme. Ainsi, ils veulent fournir tout à la fois des arguments aux croyants, grâce auxquels ils pourront se défendre ou même tenter de convertir les autres. Ils souhaitent également lancer un défi aux athées et aux sceptiques.

Sur le plan du contenu, l’ouvrage n’apporte rien de neuf. Toutes les preuves exposées en faveur d’un Dieu créateur sont déjà connues et ont chacune fait l’objet d’un examen critique au cours de l’histoire de la philosophie.

L’ouvrage a le mérite de poser de bonnes questions de fond, sur la dimension métaphysique des découvertes en physique, ce qui permet de ne pas cloisonner la science sur un pur travail descriptif et étranger aux questions philosophiques. Il peut se lire aussi comme la réponse symétrique aux ouvrages athées qui utilisent pour leur compte les ressources de la science. Il permet d’ouvrir des discussions intéressantes.

Mais comme nous l’avons montré, sa faiblesse réside dans une épistémologie « naïve » et dans des raisonnements hâtifs, qui se montrent peu avertis de l’histoire de la philosophie. Il se peut aussi que les auteurs se donnent une ambition trop élevée dont la foi n’a pas nécessairement besoin. Ainsi, de même que Richard Dawkins ne pourra pas en « finir avec Dieu[12] »,  Bolloré et Bonnassies n’entraineront pas non plus une « révolution ».

[1] Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies, Dieu, la science, les preuves, préface de Robert W. Wilson, Paris, Trédaniel, 2011.

[2]Pour la critique scientifique, voir cet article publié sur le site de la revue La Recherche : https://www.larecherche.fr/michel-cass%C3%A9-et-joe-silk-deux-scientifiques-contre-le-concordisme

Pour une critique théologique, voir l’article publié sur le site du journal La Croix

https://www.la-croix.com/Debats/Dieu-science-preuves-Le-Dieu-Jesus-Christ-nest-certainement-pas-grand-horloger-2022-01-10-1201194045

[3] Michel-Yves Bolloré et Oliver Bonnassies, Dieu  – la science les preuves, Editions Guy tredaniel, Novembre 2021, page 19

[4] Page 69

[5] Un « principe créateur » est en effet défendu depuis La mélodie secrète… et l’Homme créa l’Univers, Paris, Fayard, 1988. On trouvera une discussion générale à plusieurs voix dans Le monde s’est-il créé tout seul ? Paris, LGF, 2010.

[6] Page 207

[7] Page 240

[8] https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/genome-bacterie-e-coli-recreee-genome-entierement-artificiel-compresse-76119/

[9] Les auteurs rappellent avec raison que l’Eglise n’a jamais enseigné que la Terre était plate, et qu’au contraire, les clercs du Moyen-âge avaient connaissance de la sphéricité de la Terre. Mais les auteurs de l’Ancien Testament connaissaient-ils cette sphéricité ? Rien n’est moins sûr. Sur ces questions, on peut consulter la recension de La Terre plate, généalogie d’une idée fausse, à  cette adresse.

[10] Page 435

[11] Page 490

[12] Cf. Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, Paris, Perrin, Coll. Tempus, 2009.

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