D’abord, le rapprochement des termes « raison » et « phénoménologie » surprend. La phénoménologie avait pour ambition première de redécouvrir la réalité du monde que nous habitons par le célèbre « retour aux choses mêmes », et la tentative d’isoler les catégories de la raison pour entendre, écouter le monde tel qu’en lui-même.
Claude Romano reprend brillamment les choses à la racine. Soutenir l’actualité de la question phénoménologique, c’est affirmer que la prégnance accordée depuis Wittgenstein au langage n’a pas rendu superflue une philosophie de l’expérience ; c’est poser l’existence de structures d’expérience et de perception du monde, des autres, de nous-mêmes antérieures au langage mais avec lesquelles l’intelligence du langage est en continuité étroite.
Ce dont il retourne avec la phénoménologie, ce n’est pas seulement le statut de l’expérience en tant que telle, ni le statut du langage et de ses significations, mais leur problématique unité et, à travers elle, le problème de la raison lui-même. Ce qu’elle a cherché à élaborer en premier lieu, c’est une nouvelle image de la raison.
En cela, l’ouvrage de Claude Romano, faisant dialoguer les traditions kantienne, analytique et continentale notamment, est une traversée de la philosophie contemporaine.
AU CŒUR DE LA RAISON, LA PHÉNOMÉNOLOGIE [2010]. Première édition, 1152 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio essais (No 539), Gallimard -étu. ISBN 9782070404551.
Parution : 14-10-2010.