Quelle a été l’attitude des philosophes grecs face aux traditions de leurs cités, comment caractériser leur théologie, leur conception de la piété, durant les trois grandes périodes que l’on peut distinguer dans l’histoire de la pensée grecque ?
Chez les Présocratiques, la critique de certaines croyances populaires n’aboutit jamais à mettre en cause le cadre et les institutions de la religion civique traditionnelle. Tandis que la pensée religieuse de Socrate semble synthétiser des tendances déjà apparues chez ses prédécesseurs, les grands thèmes de la réflexion platonicienne sur les problèmes religieux paraissent tracer le cadre dans lequel s’inscrira désormais la philosophie grecque de la religion. Mais l’exemple d’Aristote et de ses successeurs montre que de très grandes variations sont possibles à l’intérieur de ce cadre : tantôt la spéculation philosophique semble annexer purement et simplement le domaine de la religion, tantôt c’est la philosophie tout entière qui prend une coloration religieuse. Avec Épicure, la philosophie assume entièrement le rôle de la religion traditionnelle, tandis que chez les Stoïciens croyances religieuses et explication scientifique du monde sont devenues totalement indiscernables. Finalement, la pensée religieuse des philosophes grecs, dont il faut noter une certaine continuité, peut se définir par le double refus d’une acceptation inconditionnelle de la tradition et d’une rupture totale avec la religion populaire. Mais entre ces limites extrêmes, toutes les attitudes sont concevables, depuis un agnosticisme plus ou moins avoué jusqu’à un attachement plein de dévotion aux dieux de la cité.
BIOGRAPHIES CONTRIBUTEURS
Daniel BABUT
Daniel Babut, docteur ès lettres et agrégé de l’Université, était professeur à l’Université de Lyon II.
Carlos LÉVY
Carlos LEVY est professeur de littérature et philosophie romaines à l’université de Paris-Sorbonne, où il a longtemps dirigé l’équipe de recherche « Rome et ses renaissances », correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Parmi ses publications : Cicero Academicus, Rome, 1992 ; Les philosophies hellénistiques, Paris, 1997 ; Les scepticismes, Paris, 2008 ; Genèses de l’acte de parole (éd. B. Cassin et C. Lévy), Turnhout, 2012. Aux Belles Lettres on lui doit Devenir dieux, Paris, 2010, dans la collection « Signets ».