La sortie de Logiques des mondes eut comme premier effet de surprendre ses lecteurs – et ceci, qu’ils soient de fervents adeptes du système ou des lecteurs plus distants, voire critiques. Alain Badiou, qui avait toujours proclamé l’opposition entre ceux qui prennent leur départ dans le corps, ou la « vie », et ceux qui prennent leur départ dans l’idée, ou le « concept », pour mieux marquer son appartenance au second camp et sa dépendance à l’héritage de la « philosophie mathématique » brunschvicgienne, mettait en effet clairement, avec son nouvel opus, un pied chez l’ennemi. L’événement, objet de toutes les attentions de ses lecteurs, est moins important, nous dit-il maintenant, que le corps qu’on peut construire à partir des vérités. Voilà qui avait de quoi interpeller non seulement les partisans, mais aussi ceux qui se croyaient confortablement installés dans le camp adverse. Ce livre témoigne d’un moment privilégié de questionnement où chacun, adepte de la première heure ou lecteur distant, se retrouva à essayer de comprendre comment le champ de bataille se trouvait à présent reconfiguré.