À la source de ce livre il y a la conviction que certaines des évolutions les plus négatives des sociétés contemporaines confèrent une actualité nouvelle au concept d’aliénation selon la compréhension qu’en ont proposée des penseurs aussi apparemment éloignés l’un de l’autre que Marx et Heidegger : l’aliénation comprise comme privation de monde. Nos sociétés mondialisées sont paradoxalement celles où s’impose l’expérience d’une privation de monde sans précédent. Plusieurs dimensions de cette privation sont analysées ici, notamment l’expérience temporelle d’un présent éternel, l’épuisement de l’historicité et l’accélération frénétique des maintenant successifs. Quant au lieu où se joue originairement la privation de monde, Franck Fischbach soutient la thèse qu’il s’agit du travail dans la forme salariale qui est la sienne sous le capital et dont le caractère mutilant n’a cessé d’être amplifié par les plus récentes évolutions. C’est donc aussi d’une transformation du travail que dépend la possibilité d’un advenir historique de l’être de l’homme dans le monde.
Franck Fischbach est professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis où il enseigne la philosophie sociale et politique ainsi que l’histoire de la philosophie allemande.