L’expérience esthétique est la voie de la phénoménologie; c’est du moins ce qu’établit Dufrenne avec une profondeur inégalée. Cette expérience est décrite de façon novatrice selon une phénoménologie du sentiment, qui est le fil conducteur de cette philosophie. La réduction – devenue dès lors réduction esthétique – conduit à l’essence de la manifestation et se prolonge en une réduction cosmologique: le monde se trouve conquis en sa figure originaire, la Nature, qui est pensée comme source ou matrice universelle. L’esthétique enveloppe en outre une réflexion sur l’imagination, l’image et l’imaginaire, comme sur la beauté, marquant l’une des originalités de la perspective dufrennienne. Les percées ontologiques réalisées débouchent alors sur une cosmo-esthétique qui se prolonge en une cosmopoétique. Il s’agit à la fois de concevoir l’appartenance de l’homme au monde, qui le précède et l’excède, ainsi que la différence subjective, puisqu’il est capable de le percevoir. Cette philosophie définit la Nature comme Infini expressif – esthétique et poétique –, et montre que l’homme est appelé à vivre poétiquement, les exigences éthiques et politiques étant nouées à l’esthétique, où le sens de l’humain s’atteste.
Frédéric Jacquet : Cosmo-esthétique. Nature et humanité dans la philosophie de Mikel Dufrenne
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