En sorte que celui qui voudrait interroger l’Évangile sur le salut de son âme ne devrait pas seulement, selon la remarque ironique de Kierkegaard, attendre la parution du dernier livre sur la question …
Ghislain-Deslandes-NB
Docteur en philosophie et HDR en sciences de gestion, Ghislain Deslandes est professeur à ESCP Europe et directeur de programme au Collège International de Philosophie.
Auteur de nombreux articles (Etudes, Rue Descartes, Hermès, Diotime, Le Portique, etc.), son Essai sur les données philosophiques du management (PUF) a obtenu le prix EFMD FNEGE en 2015.
La relation de la philosophie occidentale au christianisme a une longue histoire qui pourrait être abrégée selon les quatre positions diamétralement opposées que voici. La première tient à faire du christianisme une philosophie première, et de la philosophie un approfondissement du christianisme. Théologie, christianisme, philosophie y sont inextricablement liés. Ce courant est celui de la philosophie dite chrétienne, qui reconnaît dans le discours chrétien l’expression philosophique de la catégorie de vérité.
Philosopher pour Pascal et Kierkegaard c’est toujours introduire un principe subjectif qui décourage toute requête objective de la vérité. Cette position spécifique dans l’histoire des idées, que cet ouvrage tente de situer aussi précisément que possible, je la nomme, avec d’autres et notamment Alain Badiou, antiphilosophie. Or, là où la philosophie admet volontiers vouloir nuire à la bêtise, selon le mot de Deleuze, l’antiphilosophie commanderait plutôt de nuire à la bêtise philosophique. Car celle-ci n’est jamais autant manifeste, aux yeux de nos auteurs, que lorsqu’elle se plait à penser l’événement pour la pensée que constitue le christianisme, se contentant finalement d’en dire à peu près le contraire de ce qu’il prétend être lui-même. Doit-on donc encore s’étonner que la raison philosophique ne soit jamais convaincue par ce qui justement la nie ?
Évaluer la foi au risque d’une analyse philosophique tout en confrontant la tradition philosophique à la vérité chrétienne, occuper l’espace entre les deux, tel serait l’objet d’une antiphilosophie du christianisme.