Les articles de Jean Lefranc ici réédités rappellent que la modernité ne se résume pas à l’irruption des sciences sociales et historiques, mais s’identifie aussi à un moment critique de retour à soi, de réflexion de la pensée sur elle-même. Les philosophies de Kant et de Schopenhauer, en apparence si éloignées l’une de l’autre, illustrent toutes deux ce moment par un rationalisme critique audacieux : dépasser les illusions de la raison ou les mensonges de la conscience et tracer à partir de soi, de son propre entendement, un chemin de vérité. Il arrive que la modernité se plaise à épouser des relativismes anthropologiques ou historicistes et s’aligne finalement sur un nihilisme dont la caractéristique essentielle est de ne plus oser la vérité. Mais la modernité – par réaction –, c’est aussi la tentative de dépasser un tel renoncement et d’en appeler à la véracité, véracité qui rime avec la plus haute estime de soi.