La difficulté de l’hégélianisme est légendaire. Elle tient à l’abstraction de l’oeuvre hégélienne et à son organisation « systématique ». Mais aussi à ses paradoxes : affirmation des pouvoirs de l’esprit mais aussi du caractère inéliminable du sensible, attachement à la raison et néanmoins invocation constante de l’expérience, valorisation du « tout » qu’accompagne un éloge répété de la liberté individuelle…
Sont-ce là des contradictions mortelles ? Une manière de répondre à cette question est de noter que Hegel, comme il le revendique d’ailleurs, est le fils de son temps, lequel est un temps de bouleversement. Hegel est le témoin du passage de l’Ancien Régime à l’Europe post-révolutionnaire. En science, il assiste au débat entre la vision mécaniciste et la vision organiciste de la nature ; en art, à l’affrontement du classicisme et du romantisme ; en religion, au conflit de la foi et du savoir…
L’originalité de l’hégélianisme est de considérer la contradiction comme inévitable. Mais de ne pas s’y arrêter non plus. Car il y a à ses yeux, dans l’expérience, une tendance fondamentale à l’unification – à la « réconciliation » – des opposés. Un des buts de cet ouvrage est de montrer la puissance d’une philosophie qui refuse de s’enfermer dans une doctrine singulière, et cherche le principe qui, de l’intérieur, pourrait unifier l’ensemble des points de vue et des objets de la pensée.