Qu’est-ce que la dépendance ? Comment inclure à part entière les personnes dépendantes dans la communauté politique et morale ? Dans quelle mesure sommes-nous tous dépendants du souci des autres ? Enfin, comment rendre justice à cet aspect fondamental de toute vie humaine ? Ces questions, qui n’ont rien d’évident dans des sociétés où l’autonomie individuelle et l’égalité entre individus constituent les normes morales et politiques dominantes, ont fait l’objet de nombreuses réflexions dans la philosophie féministe contemporaine, principalement anglo-saxonne. Situées au point de départ des éthiques du care — que l’on peut traduire par éthique du souci ou du soin — elles ont permis de rendre visibles des domaines de l’expérience morale et sociale considérés comme marginaux par les théories morales et politiques traditionnelles. Elles ont ainsi conduit à des reformulations importantes des théories contemporaines de la justice, sur la base d’une anthropologie politique qui cherche à rendre compte de la constitution relationnelle des agents moraux et tente de prendre au sérieux leur vulnérabilité.
Ce livre présente les débats qui ont entouré le développement des théories du care, depuis la formulation d’une éthique du care par Carol Gilligan en 1982, jusqu’aux travaux plus récents consacrés à la sociologie des pratiques de care et aux réflexions qui, dans le champ de la théorie politique, visent à penser l’articulation entre care et justice. Il cherche ainsi à rendre sensible l’importance et l’ampleur des interrogations ouvertes par cette perspective de recherche, dans les champs de la philosophie morale, de la sociologie et de la théorie politique, et propose d’en faire le pivot d’une nouvelle conception de la citoyenneté.
Marie Garrau, Alice Le Goff : Care, justice et dépendance
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