S’obstiner à établir un distinguo dans le champ des conduites humaines entre celles qui seraient morales – et, à ce titre, objet exclusif de la philosophie pratique – et les autres, qualifiées de pathologiques et abandonnées de facto au médecin ou au psychologue, c’est s’obstiner à ne rien vouloir entendre des conduites humaines, quand tout un chacun sait – il en fait sans cesse l’expérience – que si nul n’est affranchi des usages, nul, non plus, n’est exonéré du symptôme, ni exempté du désir.
Que cette obstination soit le produit d’une histoire, sûrement. Mais le plus urgent est de s’en dégager en observant que toutes les conduites humaines relèvent du même modus operandi, sous réserve de bien saisir qu’elles prennent toutes leurs conditions auprès d’énoncés qui tirent leur légitimité, non d’une justification par l’observation – celle dont bénéficient nos énoncés cognitifs – mais de leur partage par une communauté ou de leur expression par une autorité, énoncés de croyance dont le pouvoir d’action est proportionnel à la rhétorique qui y est associée, comme l’exemplifient les messages publicitaires ou politiques.
Alors se découvre que ce modus operandi avait déjà été entraperçu par Aristote dans sa réflexion sur le syllogisme pratique, réflexion que l’on retrouve étonnamment sous la plume de Wittgenstein dans sa réflexion sur le rapport entre les jeux de langage et nos manières d’agir et sous celle de Lacan, dans sa réflexion sur les divers discours induisant nos conduites. Mais c’est alors à une tout autre conception de l’homme que nous sommes conviés, celle où le langage ordinaire en est le ressort et non quelque « volonté ».
Pierre Marie : La croyance, le désir et l’action
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