Augustin invente un nouveau concept, qu’il nomme la mémoire du présent. Cette mémoire ne passe plus par la médiation des images pour opérer son acte de remémoration, mais elle produit elle-même un nouveau type d’image, purement intelligible. Et en ce sens, elle ne porte plus sur le passé, mais sur le présent lui-même. À partir de là tout recommence. On peut relire l’histoire de la philosophie, d’un bout à l’autre, on peut revenir à Platon et Aristote, comme on peut viser Husserl ou Heidegger. Qu’en est-il de cette mémoire du présent, que nous dit-elle de l’image, de l’âme et de la temporalité ?
Selon l’hypothèse développée dans le présent ouvrage, cette mémoire ne doit pas se comprendre en fonction d’une théorie de la subjectivité, mais à partir d’une économie temporelle du salut, qui noue l’image et le temps, qui lie l’intériorité de l’âme au déploiement de l’histoire, et articule le miroir de l’esprit à la question des Écritures, speculum et Scriptura. C’est ce que j’appellerai justement l’économie temporelle de l’image — une mémoire qui assume et dispense le salut par l’image.