Trois jours avant de se suicider, Romain Gary écrit à son ami : « Cher Raymond Aron, votre esprit souligne si bien ces temps obscurs que l’on en vient parfois, en vous lisant, à croire à la possibilité d’en sortir et à l’existence d’un chemin. Rares sont les cas où la force de la pensée rejoint celle d’un caractère. »
« Temps obscurs », la formule fait étrangement écho aujourd’hui. Une Europe qui ne croit plus en ses valeurs. La violence, la haine, la confusion qui gagnent. L’insulte qui remplace le dialogue démocratique. Le brouhaha médiatique, la radicalité inquiétante des réseaux sociaux. Le désarroi des intellectuels.
Le « petit camarade » de Sartre, qui fut son adversaire le plus intelligent, a tenté, sa vie durant, de penser le monde dans sa complexité. Son obsession : le goût de la vérité, la détestation des fake news, la défense de nos systèmes démocratiques, « les pires des régimes à l’exception de tous les autres ».
Les Désillusions du progrès, Penser la guerre, L’Opium des intellectuels… Il est salutaire aujourd’hui de relire ce « professeur d’hygiène intellectuel » dont parlait Claude Lévi-Strauss, l’un des esprits les plus lucides du XXe siècle.
TEXTES CHOISIS PAR
DOMINIQUE SCHNAPPER ET FABRICE GARDEL