Jean-Paul Curnier : Prospérités du désastre

Une voix libre, parmi les plus libres, dont l’ironie, sans limite, pose que les choses, étant ce qu’elle sont (politiquement, socialement, moralement, culturellement), rien ne sert de prétendre y remédier ; qu’il faut au contraire s’employer à les aggraver. « Les Prospérités du désastre » constitue le deuxième volume d’ »Aggravation » paru en 2002.
En 2002, aux éditions Farrago, paraissait du même auteur un livre intitulé Aggravation qui rassemblait des textes d’analyse et de réflexion sur l’actualité, répartis sur une douzaine d’années.

C’est bien sûr en forme de suite à cet ouvrage que les éditions Lignes publient aujourd’hui Prospérités du désastre. On le comprendra : les années ont passé depuis, mais rien ne permet de dire que les choses se sont arrangées, comme rien n’est venu non plus entraver sérieusement le délabrement des formes d’existence collective conduit par le cynisme affairiste, l’appétit de l’argent, la bêtise de beaucoup et le renoncement à toute dignité du plus grand nombre. À quoi il faut ajouter cette constante des mœurs actuelles, en quoi consiste la haine maintenant accentuée pour toute pensée vouée à contrarier l’ordre des choses ou simplement rétive à la servitude euphorique requise de tous, sans compter le mépris affiché pour tout ce qui entend s’opposer à l’écrasante normalisation de la pensée qui sévit aussi bien dans les médias que dans la vie politique, que dans la vie culturelle.

Mais il faut bien le dire, c’est aussi parce qu’est entretenu chez tous l’espoir de pouvoir profiter, chacun à sa mesure, de cette déconfiture généralisée – et sans plus aucun souci du lendemain – que le désastre partout s’accroît, et avec lui une forme de consentement qui ne soulève pratiquement plus le cœur de personne. En vérité, si la mise en garde que contenait Aggravation, il y a quatorze ans, n’a visiblement pas suffi pour modifier cette forme d’assentiment massif, c’est parce que les choses du côté de l’exercice de la pensée se sont elles aussi sérieusement aggravées. On ne peut guère dire que, dans son ensemble, la tonalité générale de la vie intellectuelle de ces dernières années aura été à alerter l’opinion sur l’état de délabrement où est tombé tout espoir d’une condition plus humaine d’existence sur Terre.

On trouvera donc, dans ce second volume d’ambitions aggravantes, sept textes écrits au cours de ces dix dernières années, tous d’une même orientation mais traitant de sujets divers (sur l’usage de la peur comme mode de gouvernement, sur la provocation dans l’art contemporain, l’indifférence face à l’élection présidentielle de 2012, la révolte dans les banlieues, les formes actuelles de l’assentiment à la servitude et au consumérisme…) ; six d’entre eux ont été publiés dans la revue Lignes.

On y trouvera aussi une mise au point à propos des prises de position de l’auteur sur la question du peuple et des banlieues à l’occasion d’un échange avec Nathalie Quintane, déjà publié dans un ouvrage de celle-ci chez POL en 2012 (Tomates) et que l’auteur n’a pas souhaité modifier, en dépit des pistes qui auraient sans doute mérité d’être plus argumentées, pour lui conserver le ton vif proche de la conversation qui a été le sien à l’origine.

Et, chose singulière, on trouvera aussi à la fin de ce livre un recueil de huit textes courts écrits spécialement pour un opéra consacré au Black Panthers Party en 2012 et intitulé « Discours pour les cités HLM » qui, dans la forme parlée, abordent d’une manière politique inaccoutumée un certain nombre de questions qui se posent aujourd’hui aux jeunes habitants des cités.

« Alors, si ce monde va aussi franchement et volontairement à sa perte, autant qu’il y aille vite pour en vivre au plus vite le remplacement. Et il convient même de l’aider chaque fois que cela s’avère possible. Pas de le critiquer ou de le condamner – c’est là une affaire hors de saison, une ancienne ferveur pour le sauver contre son gré – ; il convient au contraire de faciliter toute chose sur la voie dans laquelle il s’est engagé. Et qu’on n’aille pas nous dire que c’est là lui vouloir du mal, c’est exactement ce que font sans le revendiquer ceux qui disent s’y épanouir le mieux. » Jean-Paul Curnier

TABLE :

– La peur de soi, l’horreur de l’homme
– Réservoirs de chair
– Le Peuple, les banlieues, le désert
– Vous pourriez vous libérer dans la matinée ?
– Quand la réponse précède la question
– Le monde de Bambi
– Voie de disparition
– Discours pour les cités

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