Jacques Derrida fut le philosophe le plus admiré et le plus détesté de son époque. Iconoclaste et radical, il inspirait une sainte terreur à ceux qui, à l’université comme ailleurs, exploitaient un savoir tenu pour acquis. Le silence qui s’est installé quatre ans après sa mort, sur sa personne et son oeuvre est l’effet, entre autres, d’une conspiration des médiocres, orchestrée en France par quelques intellectuels médiatiques plus à l’aise sur les plateaux de télévision que face à des lecteurs exigeants. Au-delà du témoignage et du portrait ici esquissé, on lira une introduction très personnelle, parfois polémique, au travail d’un penseur majeur du XXe siècle, lisible par un public cultivé, pas nécessairement philosophe. On s’attardera en particulier sur son rapport complexe à Hegel, Nietzsche, Freud, Heidegger, mais aussi Joyce, Blanchot Artaud, ainsi que sur ce «trouble identitaire» à la fois sa chance et son drame, qu’il avouait volontiers et auquel il a consacré des pages éblouissantes.
Un chant inouï
La crainte qu’il a pu inspirer vient avant tout de la nature même d’une pensée qui présente cette particularité de ne pouvoir simplement se juxtaposer à d’autres. Elle les met en porte-à-faux, les attaque, les ronge comme l’acide l’acier.
Max Genève
Après vingt romans et plusieurs recueils de nouvelles, l’auteur revient à l’essai. Entre 1973 et 1978, il a en effet publié, sous le nom de Jean-Marie Geng, quatre essais acérés (dont L’illustre inconnu) qui éveilleront l’attention de Barthes, Bourdieu et Derrida. Aujourd’hui, Max Genève vit entre Paris et Biarritz.