Si les hommes ont toujours été tentés de chercher une consolation pour soulager leur misère ou endiguer l’absurde, il semble que ce pressant besoin n’ait fait que grandir aux époques modernes.
Ce livre étudie la configuration du thème chez Schopenhauer et Nietzsche, tous deux légataires ambigus d’un Kant qui n’aura sublimé le vouloir qu’à l’ordonner à la loi. Chez les deux auteurs, la consolation apparaît comme le point où se nouent l’existence et la pensée. Nietzsche entreprend dès La Naissance de la tragédie de retourner le sens du terme. L’art pour lui ne console pas de la vie, il l’exalte et lui rend justice. De palliative, la consolation devient consentement à toute l’existence. Le problème est de savoir si cette opposition est aussi tranchée qu’on le dit parfois : la pensée de l’éternel retour, censément affirmative, n’enveloppe-t-elle pas aussi, autant et plus qu’elle ne la dénie, une horreur qui pétrifie ?
Dans le sillage de précédentes recherches, Michel Guérin s’emploie, en analysant de près les textes de Kant, Schopenhauer et Nietzsche, à élaborer la Figure de ce qu’il appelle le vouloir fou – à la fois perdu, déboussolé et enivré de son propre prodige. Ce drame structure à ses yeux la pensée moderne et demeure irrésolu à l’ère, qu’à tort ou à raison, on appelle « postmoderne ». Comment, en somme, articuler dans une expérience singulière l’ambition d’un sens et la gestion accidentée d’une puissance insatiable et orpheline ?