Le concept de stridence (emprunté aux Voix du silence de Malraux) sert à définir une nouvelle méthode d’écriture de l’histoire de la philosophie. Cette méthode, comme il est de rigueur, a surgi a parte post, à partir d’une étude approfondie de la non-réception française de la métaphysique d’Adorno – non-réception qui excède ce que Foucault parlant de Cassirer a pu nommer « le système présent (solide, consistant, bien protégé) de nos petites ignorances françaises ». Ce n’est pas de cette étude qu’il sera question, mais de la méthode dont elle a permis l’invention. Cette méthode part d’un constat négatif : les historiens de la philosophie restent trop souvent débiteurs de ce dont ils prétendent s’émanciper, les motivations individuelles des auteurs, les accidents biographiques et toutes les figures subjectives et contingentes d’une prétendue autonomie de la pensée, qui empiègent l’analyse des œuvres dans les schèmes de la causa sui et du fondement du savoir. Il s’agira par contraste de s’émanciper résolument des concepts malheureux d’intention et de rationalité autonome. La méthode de la stridence se donne pour point focal un conflit doctrinal entre deux philosophes, conflit dont elle s’assure qu’il a eu des effets d’après-coup et dont elle dessine le premier périmètre spatio-temporel pour suivre ensuite par perspective transversale les effets de thèse et les bougés conceptuels qu’il provoque dans les œuvres des deux philosophes. Cette méthode ambitionne de reconstruire une rationalité a-subjective et événementielle de l’histoire philosophique.
Michèle Cohen-Halimi : Pour introduire le concept de stridence en philosophie
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