Chantal Jaquet : Philosophie de l’odorat

Découvrir la noblesse de l’odorat et apprendre à être un philosophe nez : tel est le but de ce livre, qui fait d’un sens négligé un objet de réflexion à part entière. L’entreprise de réhabilitation de la sensibilité olfactive passe par la remise en cause des préjugés sur l’odorat comme sa prétendue faiblesse, son caractère primitif, incommode ou immoral et par l’examen de la manière dont l’esprit nous vient aussi du nez. La démarche se fonde sur la découverte anthropologique du rôle décisif des odeurs dans la constitution de la mémoire et de l’affectivité ainsi que dans la construction de l’identité et de l’altérité.
Cette entreprise vise la promotion d’un véritable art olfactif qui dépasse le simple usage cosmétique des parfums et substitue « le sentir beau » au « sentir bon ». L’élaboration d’une esthétique olfactive repose en effet sur la recherche des expressions artistiques de l’odeur, aussi bien dans la littérature chez des auteurs comme Huysmans, Balzac et Proust, que dans la musique de Debussy, la peinture de Gauguin ou la sculpture de Rodin. Elle s’appuie également sur les tentatives historiques de création pure de parfums à travers la voie ancienne des fragrances au Japon ou les performances et les installations dans l’art contemporain.
Exprimant l’idée dans l’odeur, cette esthétique olfactive sous-tend depuis longtemps la spéculation philosophique en offrant des modèles de pensée et d’appréhension subtile d’un réel invisible et volatil. Après Héraclite et Empédocle, Lucrèce, Condillac et Nietzsche incarnent cette figure du sagace qui flaire le parfum de la vérité ou du mensonge : preuve s’il en est que philosopher, c’est avoir du nez.

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