Edgar Quinet : Philosophie de l’histoire de France

Edgar Quinet publie en 1857 ce livre Philosophie de l’histoire de France. Il s’agit pour lui de mettre en évidence les postulats sur lesquels travaillent les grands historiens du moment, quand ils entreprennent d’écrire, au milieu du XIXe siècle, une histoire de France : Augustin Thierry, Guizot, Louis Blanc, Buchez et Roux. Ce qui le frappe, c’est une convergence de vue de la part d’historiens venus d’horizons très différents, une connivence qui les pousse à se réclamer des mêmes valeurs. Tous ont pour « philosophie » une sorte de fatalisme, en considérant que l’histoire de France devait aboutir à l’état politique présent. Par un tel biais, c’est à une justification de tous les errements de cette histoire qu’ils procèdent, à une légitimation des épisodes les plus sombres de ce qui fait notre récit national. « Philosophie » à moindre frais qui est le lot de ces savants et dont Edgar Quinet montre qu’elle ressemble de très près à ce que faisaient les Pères de l’Eglise avec l’Ancien Testament. Edgar Quinet insiste également sur le fait que ces historiens mettent en oeuvre une servitude volontaire : comme si l’hypothèse de La Boétie s’était déplacée du terrain du pouvoir à celui du savoir. D’où son souhait au terme de cette critique particulièrement virulente de la discipline historique du moment : que tout homme qui pense puisse avoir « sa nuit du 4 août », c’est-à-dire renonce à ses prétentions illégitimes.

Jean-Michel Rey, dont les travaux sont au croisement de la philosophie et de la littérature, montre, dans sa Postface, la place qu’occupent ces différents motifs dans l’oeuvre de ce penseur politique qu’est Edgar Quinet. Il met en relation ses analyses avec celles de Nietzsche, de Péguy, de Waléry et de Walter Benjamin, en suggérant qu’ils s’inscrivent, chacun à sa façon, dans le sillage de cette pensée. En soulignant ce qui fait la grande originalité d’Edgar Quinet : qu’il est l’analyste des ombres, des spectres et d’autres phénomènes du même ordre, notamment le « membre fantôme » ; qu’il est philologue et qu’il prête donc attention aux faits de langage, aux mots qui tiennent lieu de réalité ; que sa démarche relève plus de la généalogie que de l’histoire. Jean-Michel Rey trace ainsi le portrait d’un des philosophies les plus importants de l’époque qu’il est temps de découvrir et dont les propos peuvent nous aider à comprendre les postulats sur lesquels repose la politique présente.

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