André Charrak : Rousseau. De l’empirisme à l’expérience

L’un des traits constants de la pensée de Rousseau réside dans la méditation qu’il poursuit jusqu’à la fin de sa vie sur l’amour de soi – sur l’affection essentielle de l’être sensible et intelligent. Mais les ressources mobilisées dans cette entreprise ne demeurent pas les mêmes tout au long de l’œuvre et elles se forgent avant tout dans un effort d’appropriation puis de mise à distance de la philosophie de son temps. C’est cet effort méthodologique qui est analysé dans le présent ouvrage. Du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité à l’Émile, Rousseau perfectionne un empirisme qui confère son caractère systématique à la « théorie de l’homme » mais qui, à terme, révèle ses limites dans l’examen des idées sublimes (l’ordre du monde voulu par Dieu, l’existence de l’âme) que l’homme moderne doit prendre en vue. Aussi importe-t-il de comprendre de quelle façon Rousseau abandonne cette perspective au long des recherches qui, en 1778, aboutissent à l’œuvre ultime achevée au seuil de la mort : Les Rêveries du promeneur solitaire. Le cheminement que l’on peut retracer en suivant la voie royale de la méthode découvre une dernière philosophie de Rousseau, où la clarification d’expériences décisives (l’accident, la rêverie) se substitue au style philosophique de l’époque pour découvrir les conditions d’un bonheur effectif.
Membre de l’Institut d’Histoire de la Pensée Classique (UMR 5037), André Charrak enseigne à l’Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne.

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