Entretien avec Bernard Suzanne : Autour de la traduction de Platon (partie 1)

Introduction : présentation générale

Actu-Philosophia : Bernard Suzanne, merci beaucoup d’accepter l’entretien que je vous ai proposé afin de faire connaître vos travaux portant essentiellement sur Platon et le sens du platonisme. Ces travaux sont, comme beaucoup d’autres à l’heure actuelle, presqu’exclusivement diffusés sur un site, https://www.plato-dialogues.org/fr/plato.htm, à l’image par exemple de ce qu’avait fait Jacques Darriulat que notre revue avait interviewé ici et . Très riche, votre site propose aussi bien des traductions à visée littérale, cherchant à rendre au plus près l’entente grecque des mots employés, que des analyses de dialogue et même une interprétation globale de la philosophie platonicienne.

Pour ma part, j’ai découvert votre site en travaillant sur un passage de la République (VI, 509-511) au sein duquel la fameuse notion d’« hypothèse » m’avait toujours paru inintelligible, jusqu’à ce que votre traduction / explication me rende lumineux ledit passage à travers l’idée de « soutien » visible, bien plus éclairante que celle d’hypothèse. Puis, de proche en proche, j’ai été amené à parcourir l’ensemble de votre lecture de la République, notamment l’interprétation séduisante que vous proposez de la notion d’ousia, dont vous montrez fort bien à quel point il est égarant de la traduire par « essence », et nombre d’autres remarques dont on ne peut que tirer grand profit.

Mais avant toutes choses, Bernard Suzanne, pourriez-vous vous présenter ?

Bernard Suzanne : J’ai 77 ans, je suis polytechnicien de formation, j’ai fait toute ma carrière professionnelle dans l’informatique, d’abord chez IBM, en France et aux États-Unis (6 ans en deux périodes), puis, à partir de 1987, dans une grande banque mutualiste française comme architecte de systèmes d’information jusqu’à ma retraite en 2006. Mais, malgré ma formation plutôt scientifique, j’ai toujours en un goût prononcé pour la philosophie, la métaphysique et la théologie (je suis catholique, qu’on dirait « pratiquant ») et, entre mes deux séjours aux États-Unis pour IBM, c’est-à-dire entre 1975 et 1983, j’ai suivi pendant sept ans un cycle de formation théologique pour adultes laïcs proposé par l’Institut Catholique de Paris (ICP) sous forme de cours magistraux en soirée un jour par semaine et de travaux dirigés en petits groupe un week-end par mois, qui devait mener à la licence canonique en théologie (que je n’ai pas pu passer car je suis reparti aux États-Unis pour IBM dans le courant de la septième année). Dès le lycée, j’avais commencé à lire des ouvrages de philosophie et, comme j’ai toujours pensé qu’il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints, j’avais préféré lire les philosophes eux-mêmes, dont Platon, plutôt que leurs commentateurs, même s’il est probable que beaucoup de ce que je lisais alors me passait largement au-dessus de la tête. Mais je me disais qu’à la longue, je finirais par mieux comprendre. C’est durant une des années de la formation en théologie à l’ICP où le programme incluait des cours de philosophie en particulier consacrés à Plotin et au néoplatonisme comme toile de fond à l’étude de Saint-Augustin, que je suis revenu à Platon, préférant l’original aux néo-. Et c’est là qu’insatisfait par les explications données par les traducteurs dans leurs introductions, en particulier à propos du Parménide et de la supposée remise en cause par Platon de ses supposées « théories » antérieures, dont principalement celle appelée « théorie des formes/idées », j’ai cherché à mieux comprendre les textes de Platon et que m’est pour ainsi dire « tombée du ciel » cette idée que, loin d’être en quelque sorte le « journal » de l’évolution de la pensée de leur auteur au fil d’une cinquantaine d’années entre la mort de Socrate et la sienne, ses dialogues constituaient un unique ouvrage, structuré en sept tétralogies (pas celles de Thrasylle, bien sûr) sur le modèle des tétralogies du théâtre grec ancien, destiné à la formation des futurs philosophes rois qu’il appelle de ses vœux dans la République, organisées selon une progression pédagogique, sans doute inspirée par sa propre expérience antérieure, mais surtout destinée à s’adapter à la progression des lecteurs/étudiants, justement pour les aider dans cette progression. Et c’est non seulement cette idée qui m’est tombée du ciel, mais aussi le plan de ces sept tétralogies, constituées chacune d’un dialogue introductif et d’une trilogie, dont les principes d’organisation, à partir de deux éléments clés de la République, clé de voute de tout cet édifice en tant que dialogue médian de la trilogie de la tétralogie médiane, la tripartition de l’âme pour la succession des dialogues dans les trilogies, et l’analogie de la ligne pour la succession des tétralogies, me sont apparus dans la suite. À partir de ce point, j’ai consacré tout le temps que mes autres activités me laissaient à la mise à l’épreuve et à l’enrichissement de ces hypothèses, et tout ce travail n’a pas remis en cause, à un point près (l’interversion de deux dialogues dans la seconde trilogie), le plan des tétralogies qui m’était apparu à l’origine et qui s’est montré robuste et productif à l’expérience.

Mon site est né en 1996 d’une rencontre avec un professeur de philosophie américain sur un forum de discussion sur Platon. Celui-ci, intéressé par mes thèses sur Platon, m’avait alors encouragé à les développer sur un site Internet qu’il me proposait de faire héberger par son Université. Le site a donc commencé en anglais, avant qu’il ne me demande en 2001 de le transférer chez un autre hébergeur du fait du trafic qu’il commençait à induire sur le site de son Université. Je l’ai donc rapatrié en France et, à partir de ce moment-là, me suis senti plus libre de travailler majoritairement sur la partie en français du site, que j’avais commencé à développer alors que j’étais encore hébergé par son Université (les premières pages en français datent de fin 1997 et, au départ, ce n’était que la traduction en français de pages déjà publiées en anglais).

AP : D’accord ; il y a déjà beaucoup d’éléments mentionnés et comme on peut le comprendre, votre formation initiale n’est pas d’ordre philosophique ; mais justement, diriez-vous que votre manière d’aborder les textes de Platon doit quelque chose à votre formation scientifique, et cette dernière vous semble-t-elle susciter un type d’exigence différent de celui que l’on attend dans une formation philosophique ?

BS : Dans « polytechnique », il y a « poly- » et, dans cette école en particulier, on apprend plus à apprendre qu’on apprend des connaissances spécifiques particulières. Mais ce qui a surtout eu un impact déterminant sur mon approche de Platon, me semble-t-il, c’est le fait que, n’étant ni philosophe de formation, ni helléniste (je n’avais fait en tout et pour tout que deux ans et demi de grec au lycée, de la quatrième au milieu de la seconde, où j’avais abandonné quand il avait été question d’apprendre par cœur des listes interminables de verbes irréguliers), je m’astreignais à y regarder de très près avant d’avancer un pas, surtout pour les traductions des dialogues. J’avais vite compris que toute étude sérieuse de Platon impliquait, surtout quand on ne le lisait pas en grec, de toujours travailler sur plusieurs traductions du même dialogue et finalement de revenir au texte grec original, même si l’on ne comprenait pas tous les mots, au moins, au départ, pour repérer des mots-clés importants dans le texte original. Et puis, ce faisant, comme j’avais quand même les bases de départ acquises au lycée, à la longue, j’ai progressé dans la compréhension du grec, surtout que, n’étant plus dans un cadre scolaire, je pouvais m’appuyer sur un site Internet extraordinaire pour cela, le site Perseus¸[1] sur lequel on trouve tous les classiques grecs, dont Platon en intégralité, dans le texte grec et en traduction en anglais, avec, dans le texte grec, tous les mots cliquables individuellement pour arriver à toutes leurs analyses grammaticales possibles et, à partir de là, à leurs traductions possibles en anglais (j’ai rapidement acheté la version CD de ce site, qui était disponible à l’époque, si bien que je l’ai maintenant chez moi, sans être tributaire de temps de réponse sur Internet). Et pratiquement dès le départ, je me suis astreint à traduire moi-même, en anglais ou en français selon les cas, toutes les citations des dialogues que je faisais sur mon site.

Mais cette hantise de me tromper a fait que je portais une attention plus grande au texte qu’un helléniste diplômé, n’hésitant pas à revenir aux dictionnaires (Bailly et au besoin LSJ et Chantraine[2]) pour presque chaque mot (y compris les particules dont le grec est si friand), pour mieux en percevoir les nuances de sens et choisir celle qui me semblait convenir le mieux dans chaque cas, voire souligner en note les ambiguïtés que pouvait receler le texte, ce qui peut expliquer en partie la littéralité de mes traductions et le fait que j’ai pu remettre en cause des traductions traditionnelles, m’ouvrant ainsi de nouvelles perspectives sur les dialogues. Un exemple qui rebondit sur ce que vous avez dit en introduction : un helléniste (et même un non-helléniste !) qui rencontre le mot hupothesis dans l’analogie de la ligne n’a pas besoin d’un dictionnaire pour savoir que ce mot a été transcrit en français sous la forme « hypothèse » et le traduira ainsi machinalement, sans chercher à savoir si c’est dans le sens qu’a pris ce mot en français que Platon l’utilisait il y a deux mille cinq cents ans dans ce texte, et sans que les exemples donnés par Socrate ne l’interpellent tant cette traduction lui paraît aller de soi. Et quand, un peu plus loin, il rencontre le mot anupotheton, qui est fort probablement un néologisme créé par Platon pour l’occasion, son premier mouvement est de faire comme pour hupothesis, de simplement le transcrire en français, mais, et c’est là que ça devient intéressant, sans s’en rendre compte, influencé par sa transcription d’hupothesis en « hypothèse », qu’il comprend implicitement dans son sens moderne en français, il effectue un glissement dont il ne se rend même pas compte pour arriver à « anhypothétique », qui serait la transcription du grec anupothetikos et non pas d’anupothetos, dont la transcription en français serait « anhypothé », moins facile à accepter qu’« anhypothétique », mais qui l’aurait peut-être incité rétrospectivement à revoir sa compréhension d’hupothesis.

Bref, pour conclure sur ce sujet, ce ne pas tant ce que j’avais appris dans mes études que ce que je n’y avais pas appris qui a le plus influencé ma manière d’aborder Platon !

AP : Est-ce que vos séjours américains pourraient expliquer quant à eux l’audace dont vous faites preuve, en proposant à la fois de nouvelles traductions et une nouvelle manière d’envisager la totalité des écrits platoniciens ? Il n’est d’ailleurs pas insignifiant que ce soit un professeur américain qui vous ait encouragé à diffuser vos hypothèses.

BS : Je ne le pense pas. Ne pas me taire quand je pense avoir raison, quels que soient les interlocuteurs, a toujours été dans ma nature (et cela m’a d’ailleurs parfois mis dans des situations délicates dans ma carrière professionnelle !). Quant au fait que ce soit un professeur américain qui m’ait proposé de développer mes idées sur un site Internet, je crois simplement que cela tient au fait que le forum de discussion sur Platon sur lequel je l’ai « rencontré » était en anglais et que lui avait déjà développé plusieurs sites sur Platon et la pensée antique dans le cadre de ses fonctions de professeur de philosophie dans une université, ce en quoi, en 1996, il était précurseur.

AP : Une dernière question générale peut-être. Vous dites dans votre présentation avoir suivi des cours de philosophie à l’ICP, consacrés au néoplatonisme, à Augustin et en fin de compte à Platon. Pourquoi est-ce Platon qui a fait l’objet de vos travaux ? Est-ce en raison de sa dimension séminale, de son importance historique ou de l’impression que quelque chose de spécifique chez Platon était « déformé » ?

BS : Comme je l’ai dit au début, quand je vois le préfixe néo-, j’ai envie de le faire sauter et de revenir à l’original ! Mais, plus sérieusement, je ne dévoilerai un secret à personne en disant que Platon est le plus lisible de tous les philosophes, du moins de ceux que j’ai pu pratiquer et si l’on excepte quelques dialogues ardus comme le Parménide. On ne peut pas en dire autant des Ennéades et des autres ouvrages des néoplatoniciens ! Et puis, comme j’ai un esprit qui aime l’ordre, le fait que me soit rapidement apparue cette structure des dialogues en tétralogies qui leur donnait une cohérence qui n’a fait que s’accroître pour moi au fil du temps, et qui en rendait le message encore plus actuel pour nous, a fait que je suis tombé amoureux de Platon (platoniquement, bien sûr !) et que je suis resté dedans jusqu’à aujourd’hui et n’éprouve pas le besoin d’aller voir ailleurs, tant chaque nouvelle lecture de n’importe lequel de ses dialogues réserve de nouvelles surprises, au moins quand on les lit dans le grec original. Tout est dans Platon… ou plutôt, car Platon ne donne pas les réponses, n’expose jamais ses théories, tous les problèmes auxquels on peut, en fait, on doit, chercher des réponses pour tenter de comprendre ce que veut dire être un anthrôpos et comment vivre une vie bonne et heureuse en tant qu’anthrôpos (gnôthi sauton, « apprends à te connaître toi-même ») sont posés par Platon, puisque justement son objectif est de montrer qu’ils sont tous liés et qu’on ne peut apporter de réponse à l’un sans avoir pris en considération tous les autres pour y apporter des réponses cohérentes, de les hiérarchiser et de baliser le chemin à travers eux (methodos), d’identifier les fausses pistes et les réponses insatisfaisantes, tout en laissant en fin de compte chacun apporter ses réponses, les seules sur lesquelles il peut s’appuyer quand sa vie est en jeu : personne n’acceptera de se laisser condamner à mort et exécuter suite à une condamnation injuste mais obtenue dans le respect des lois en vigueur parce que Socrate, ou Platon, a dit que c’était ça qui convenait (et, dans le cas de  Socrate, l’a mis en pratique) et que Socrate, ou Platon, est un des plus grands penseurs de l’humanité, s’il n’est pas lui-même intimement convaincu de cela…

A : Comment traduire ?

AP : J’en viens au contenu précis du site, lequel est extrêmement riche, diversifié, et contient aussi bien un lexique qu’une introduction générale à la pensée de Platon, en passant – entre autres – par une réfutation de la présence d’une théorie des Idées chez Platon, une réfutation de la présence d’une ontologie fondatrice chez Platon, et de nombreuses traductions très littérales.

C’est par ces dernières que j’aimerais commencer, et je voudrais dire que votre choix de rendre au plus près l’entente de nombreux termes est extrêmement intéressant et éclairant. Mais, en même temps, je dois vous dire que la dimension parfois très littérale rend le texte inintelligible dans sa version traduite. Je donne un exemple parmi d’autres, dont la littéralité me semble ici ambivalente quant au gain d’intelligibilité :

« Donc, ce que poursuit toute âme et en vue de quoi elle fait toutes [choses], augurant que c’est quelque chose, mais embarrassée et ne parvenant pas à saisir adéquatement ce que ça peut bien être ni jouir à son sujet d’une confiance stable comme à propos des autres [choses], par quoi d’ailleurs elle ne parvient pas non plus à savoir si telle ou telle des autres [choses] est chose bénéfique, à propos donc de quelque chose de tel et de si grand [506a], devons-nous dire que doivent ainsi rester aussi plongés dans le noir ceux-là même qui sont les meilleurs dans la cité, entre les mains desquels nous remettrons toutes choses ? 

Pas le moins du monde, dit-il.

Je pense à tout le moins, dis-je, que les [choses] justes et belles à propos desquelles est ignorée la manière dont elles peuvent bien être bonnes, c’est un gardien de pas bien grande valeur qu’elles posséderaient en celui qui ignorerait cela d’elles ; et j’augure que personne avant ça ne les connaîtra adéquatement[3]. »

Pourquoi avoir fait ce choix de coller au plus près de la syntaxe grecque, quitte à décourager la lecture du texte ?

BS : L’un de mes objectifs dans ces traductions était de donner la possibilité à quelqu’un ne lisant pas le grec d’avoir une traduction qui colle au plus près au grec de Platon, y compris quand c’était possible, en respectant l’ordre des mots qui, en grec, en particulier chez Platon, peut être important : un mot peut être mis en valeur par sa place en début ou en fin de phrase, ou de proposition. J’ai aussi pu constater que, dans certains cas, Platon pouvait aller, ou en tout cas semblait avoir été, jusqu’à compter les lettres pour équilibrer ses phrases ou ses répliques autour de mots importants dans des symétries ou des oppositions éclairantes, ce qui pouvait lui être facilité par le fait que, de son temps, les textes étaient écrits comme des suites de lignes formées de suites continues de lettres sans ponctuation et sans espaces entre les mots, et de plus, dans le cas de ses dialogues, sans identification des personnages et séparations aux changements d’interlocuteur. Et de ce fait, je ne me suis pas senti tenu par les ponctuations des éditeurs, qui ne sont pas de Platon et me suis plutôt fié entre autres aux particules, qui pallient souvent le manque de ponctuation. Je reconnais que, dans certains cas, comme celui que vous citez, le résultat peut paraître « lourd », mais je pense ne pas avoir fait de fautes de français (je suis un admirateur de Proust et il m’arrive comme lui, et comme Platon d’ailleurs, de faire des phrases longues !…) et d’autre part, je pense aussi que, parfois, Platon choisissait délibérément des formulations « surprenantes » pour inciter les lecteurs à s’y reprendre à deux fois pour chercher à comprendre ce qu’il voulait dire, comme un moyen de leur dire : « Attention ! Ne passez pas trop vite sur ce que je suis en train de dire ; vous risquez de croire que vous avez compris alors que ce n’est peut-être pas le cas ». Or justement, le texte que vous citez, avec la réplique qui le précède et le rend plus compréhensible (« Mais quoi ? Ceci [n’est-il] pas évident : en tant que [choses/­actions/­possessions/attitudes/propos/…] justes et belles, beaucoup choisiraient celles qui en ont l’air quand bien même elles ne le seraient pas, pour cependant les faire et les posséder et en avoir l’air, alors que de bonnes [choses/possessions/…], il ne suffit plus à personne d’acquérir celles qui en ont l’air, mais ils cherchent à obtenir celles qui le sont, car l’opinion, en la matière, tout le monde l’a en piètre estime »), est un passage absolument fondamental pour comprendre Platon, qui prélude à la mise en parallèle du soleil et du bon (to agathon, qu’il ne faut surtout pas traduire par « le bien », mais par « le bon » si l’on veut avoir une chance de comprendre Platon) au livre VI de la République. La première réplique que vous citez parle du bon (to agathon), mais sans jamais le nommer (« chose bénéfique » traduit ti ophelos, qu’on pourrait aussi traduire par « quelque chose de bénéfique »), et la forme to agathon n’est même pas employée dans la réplique précédente, que je viens de citer, qui ne parle que de agatha au pluriel neutre, sans préciser des « bons/bonnes » quoi, qui est opposé aux dikaia kai kala (« justes et beaux/belles » sans plus de précisions) de la première partie de la réplique, ni dans la réplique suivante que vous citez, où il est à nouveau question de agatha sans autres précisions. C’est donc au lecteur de deviner à partir du contexte, pour autant que le traducteur ne vende pas la mèche, comme le font Chambry, Baccou, Karsenti/Prélorentzos et Leroux en introduisant dans leur traduction le mot « bien » (et non pas « bon »), de quoi Socrate est en train de parler. Et en plus, Socrate fait de cette longue périphrase (de « ce que poursuit… » à « …est chose bénéfique ») qui pourrait presque passer pour une définition du bon le sujet d’une phrase qui suggère qu’il ne serait pas raisonnable de confier le pouvoir à des personnes qui seraient les meilleures (beltistous) dans la cité sans pour autant connaître ce que justement tout le monde recherche. Bref, tout est fait par Platon pour que la phrase nous pose problème et nous fasse tiquer, justement pour que nous soyons obligés de nous y reprendre à plusieurs fois pour nous assurer que nous comprenons bien ce qu’il cherche à faire dire par Socrate, à savoir, que tout le monde agit toujours en vue de ce qu’il estime bon pour lui (et non pas bien au sens moral), qu’il s’agisse d’un bon repas ou d’une bonne action, mais que tout le monde constate aussi qu’il peut se tromper à ce sujet et qu’il ne suffit pas qu’il pense que quelque chose est bon  pour lui pour que ça le soit en effet dans toutes ses conséquences, même selon ses critères du bon et du mauvais, ce qui « prouve » l’objectivité du bon et en fait l’archè anupotheton, le principe directeur non posé pour servir de support (hupothesis) à la recherche d’autre chose. Et ce n’est que lorsqu’on a compris cela que l’on peut comprendre que la mise en parallèle du bon et du soleil n’est pas qu’une belle image, avant celles de la ligne et de la caverne, mais quelque chose qu’il faut prendre au sérieux et dont il faut tirer toutes les conséquences : le bon est réellement la « lumière » de l’intelligence, qui n’a pas été donnée à l’homme pour chercher ce qui est, recherche futile puisque le verbe einai n’a aucun sens par lui-même (voir la « définition » qui en est donnée dans le Sophiste), mais pour chercher ce qui est bon pour lui, individuellement et collectivement, puisqu’il est par nature un animal fait pour vivre en société, ce qui lui a permis de développer le logos à travers le dialegesthai, car, sans vie en groupes suffisamment stables sur des périodes suffisamment longues, aucun langage n’aurait pu se développer.

Bref, le caractère « tordu » de la phrase de Platon (et de ma traduction de celle-ci) est comme un clignotant à destination du lecteur pour lui dire : « Attention ! Il se passe quelque chose d’important ici. N’allez pas trop vite ! »

AP : Oui ; au fond, vous restituez à la dimension du comprendre sa dimension active et progressive, avec une sorte de sollicitation de l’intelligence de l’âme en vue d’être partie prenante du dévoilement du sens. Toutefois, il y a quand même des passages dont les traductions que vous proposez sont très difficiles à comprendre. Je renvoie par exemple à 508c :

« Les yeux, repris-je, tu vois bien que, chaque fois qu’on ne les tourne plus vers ce sur les enveloppes colorées de quoi la lumière diurne peut porter, mais [vers ce] sur celles de quoi [ce sont] des lueurs nocturnes, voient faiblement et paraissent presque aveugles, comme s’ils n’avaient plus en eux de vue pure[4]. »

Ne risquez-vous pas de desservir votre propos en allant à ce point vers le mimétisme syntaxique grec ?

BS : C’est en effet un risque, mais je l’assume. Platon refuse de figer un vocabulaire « technique », mais cela ne l’empêche pas d’être très rigoureux dans le choix de ses mots. Et de plus, si je suis dans le vrai quand je prétends que les dialogues forment ensemble un unique ouvrage à visée pédagogique dont le programme se déploie pour s’adapter aux progrès attendus de l’élève/lecteur, mais qu’ils ne sont pas comme des manuels scolaire qu’on jette au fur et à mesure qu’on progresse de niveau en niveau, mais des assistants qui restent pertinents quel que soit le niveau qu’on a atteint et sur lesquels il faut revenir encore et encore, même, et surtout, après avoir fini une première fois le parcours complet, cela veut dire que Platon savait dès le départ où il voulait en venir et pouvait cacher des « pierres d’attente » dès les premières étapes du parcours, dont le lecteur/élève ne prendrait conscience qu’à la deuxième, ou troisième, ou énième lecture, voire jamais. Toutes les personnes qui se sont penchées sérieusement sur les dialogues, même dans un autre cadre interprétatif, vous disent que chaque nouvelle lecture de n’importe quel dialogue leur apporte des surprises et des découvertes nouvelles.

Dans le cas du texte que vous citez, le mot important est chroa, dont un des sens possibles est « couleur (de la peau)/teint », mais dont le sens premier est « peau », et par extension « surface (d’un corps) ». Il dérive, tout comme chrôma, qui, lui aussi peut signifier « peau/surface », de chrôs, qui signifie « surface du corps humain/peau », mais chroa a plus conservé le sens de « surface/enveloppe colorée », alors que chrôma s’est plus spécialisé dans le sens de « couleur ». En quoi cela est-il important ici et explique la lourdeur des tournures employées par Platon à grand renfort de pronoms et de relatifs ? C’est qu’il profite d’une affirmation somme toute assez banale, que les yeux voient mieux dans la lumière du jour, en plein soleil, que dans de faibles éclairages la nuit (les Grecs n’avaient pas l’électricité !) pour y glisser une autre idée, elle beaucoup moins évidente pour la plupart des gens, à savoir, que ce que nos yeux nous permettent de voir, ce ne sont pas des « objets » tridimensionnels, mais des taches de couleurs (en deux dimensions, comme les ombres sur la paroi de la caverne) produites seulement par la surface de ces « objets », dont la vue seule ne nous permet pas de savoir ce qu’ils sont, et il cherche à le dire sans utiliser de nom comme « objet » pour parler de cela, mais en se limitant à mentionner ce qui active la vue, des surfaces colorées (chroai), d’où les tournures alambiquées à coup de pronoms et de relatifs, qui sont de Platon, pas de moi, et que je ne fais que chercher à traduire aussi fidèlement que possible dans les limites de ce que permet le français. Alors, oui, on peut traduire comme Chambry « lorsqu’on regarde des objets dont les couleurs ne sont plus éclairées par la lumière du jour… », ou comme Pachet « les yeux, lorsqu’on les tourne vers des objets dont la lumière du jour n’atteint plus les couleurs… », ou comme Leroux « les yeux, lorsqu’on les tourne vers ces objets colorés que n’éclaire plus la lumière du jour… », c’est fluide et facile à comprendre, et ça restitue bien le premier niveau des propos de Socrate, mais on a perdu le message plus subtil que Platon a mis dans sa phrase et qui, effectivement, passe sans doute largement au-dessus de la tête de la plupart des lecteurs à première lecture et donne simplement l’impression que, par moments, Platon met en pratique l’adage « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?!… ».

AP : De manière plus générale, notamment à partir de vos notes concernant l’impossibilité de donner un équivalent pour certains termes – dont logos, eidos, voire ousia que vous rendez certes par « étance » mais non sans réserves – j’ai eu l’impression, à lire nombre de vos articles et remarques de traduction que la langue grecque nous était devenue presqu’inaccessible. Je cite deux passages concernant l’impossibilité de traduire :

« Dans ces traductions, je ne traduis pas le mot eidos (pluriel eidè) car toute traduction de ce mot, qui est au cœur du problème soulevé par cet article, est déjà un début d’interprétation ; je ne traduis pas non plus le mot logos (pluriel logoi) qui est trop riche de sens pour que toute traduction qu’on en donne ne ferme pas certaines de ses résonnances qui ne sont jamais perdues de vue par Platon[5]. »

Et :

« Je ne traduis pas dans la suite de cet article le mot grec logos, dont le registre de sens est trop vaste pour être rendu en français par un seul mot sans perdre une partie de sa richesse, qu’il est important de conserver pour bien comprendre la problématique de Platon. Que le lecteur qui n’est pas familier avec le grec ancien sache seulement que, parmi ses sens possibles, on trouve « parole », « discours », « récit », « définition », « compte(-rendu) », « raison » (au sens psychologique aussi bien que mathématique), « explication », bref, à peu près tout ce qui peut s’exprimer avec les mots du langage. Dans le mot logos et dans ses dérivés, dont les verbes legein (« parler ») et dialegesthai (« dialoguer »), l’accent est mis sur le langage humain en tant que porteur de sens. Lorsque Platon veut mettre l’accent sur la parole comme phénomène sonore, il utilise le verbe phtheggesthai, qui peut aussi signifier « parler », mais qui a un sens beaucoup plus général de « émettre un son, faire du bruit », applicable non seulement à l’homme, mais aussi aux animaux et même à des êtres inanimés. Le fait d’être doué de logos est, pour Platon avant même Aristote, ce qui distingue l’homme de tous les autres animaux[6]. »

S’il est impossible de rendre par un mot français certains termes grecs, n’est-ce pas parce que leur entente a irrémédiablement disparu, et ne sommes-nous pas alors condamnés à ne plus pouvoir comprendre ce que Platon cherchait à dire ?

BS : Je ne dis pas qu’ils sont intraduisibles, voire incompréhensibles, mais que leur registre de sens ne peut être rendu en français par un seul mot sans perdre quelque chose de ce que cherche à dire Platon, au moins dans certains contextes où il joue justement sur la multiplicité des sens d’un même mot. Pour Platon, comme il cherche à nous le faire comprendre dans le Sophiste, un mot ne signifie rien par lui-même et n’a rien de commun avec ce qu’il cherche à désigner, et la connaissance des « choses » en elles-mêmes (ta auta) nous est impossible, au moins à travers le logos. Nous ne pouvons que mettre en évidence des relations entre ces « choses » auxquelles nous attachons des étiquettes pour en parler, les mots. Nous donnons un ou des sens aux mots que nous employons en y attachant des eidè, comme le dit cette phrase absolument fondamentale de la République qui prélude, au début du livre X, à la discussion sur les trois (en fait quatre) sortes de lits[7] : « Nous avons en effet l’habitude de poser un certain eidos unique dans chaque cas pour chacune des pluralités auxquelles nous attribuons le même nom ». Et ces eidè ne nous tombent pas tout cuits du ciel, identiques pour tous, mais sont différents pour chacun et, pour chacun, évoluent tout au long de sa vie au fil de ses expériences, même s’ils ne sont pas n’importe quoi pour chacun, puisqu’ils ont une source commune « objective » dans les pragmata (« faits/choses ») qui agissent sur nos sens et notre esprit/intelligence (noûs). Dans ces conditions, nous ne pouvons jamais être sûr que celui avec qui nous parlons comprend les mots que nous employons exactement comme nous, et si, comme le montre souvent Platon dans les dialogues, nous pouvons, lorsque nous sommes conscients de ce fait, profiter de la discussion pour nous assurer que nous employons bien tous tel ou tel mot dans le même sens, c’est impossible pour celui qui écrit par rapport à ses futurs lecteurs. Dans ces conditions, Platon, parfaitement conscient de ces limites du logos, n’a pas cherché, au contraire d’Aristote, à régenter le langage en entrant dans le jeu des « définitions », au risque de finir tyran (du langage), mais a au contraire cherché à utiliser à son profit (et à celui du lecteur qui le comprend) cette polysémie des mots. On ne gagne rien à remplacer un mot par deux ou trois autres mots tout aussi problématiques, voire plus problématiques encore, en cherchant à en donner une « définition ». Que gagnerait un Euthyphron (Monsieur « En mon âme et conscience (phrèn), je suis sûr d’être dans mon bon droit (euthus) ») à accepter comme définition de la piété que c’est la justice envers les dieux (l’une des propositions de « définition » discutée dans le dialogue éponyme) quand on voit l’idée qu’il se fait des dieux et de la justice (à travers l’affaire complètement tirée par les cheveux dans laquelle il accuse de meurtre son propre père), complètement différente de celle de Socrate, et quand il faut à Socrate toute la République pour tenter de faire comprendre ce qu’est la justice ?!…

Le sens premier de horos, le mot grec traduit par « définition », est « borne/limite », et le sens du verbe horizein qui en dérive (et dont vient le français « horizon ») est « délimiter » avant d’en venir à signifier aussi dans certains contextes « définir ». L’idée sous-jacente est celle d’un espace dont il faut tenter de fixer les limites par rapport à des « espaces » voisins. Et c’est bien ce que fait Socrate dans les dialogues dits aporétiques, que l’on considère comme des échecs parce qu’ils ne parviennent pas à une « définition » de ce sur quoi ils portent (par exemple, la piété dans l’Euthyphron). Mais c’est n’avoir rien compris à Platon et le confondre avec Aristote que de croire cela. Le Socrate de Platon ne cherche pas des « définitions » au sens aristotélicien, mais cherche à éclairer le (ou les) sens de mots complexes en en explorant les multiples usages et les conflits qu’ils peuvent avoir avec des mots utilisés pour des notions voisines, de manière à en préciser les contours par « sondages » successifs dans des directions différentes. Il est d’ailleurs particulièrement réjouissant, voire hilarant, de constater que l’une des seules fois dans l’ensemble des dialogues, sinon la seule, ou Platon propose une « définition » en bonne et due forme, en insistant même sur le fait que ça veut être une définition, non pas par la bouche de Socrate, mais par celle de l’Étranger d’Élée dans le Sophiste, c’est pour proposer une « définition » (horos) de l’« être/étant » qu’il réussit à formuler de manière à ce qu’elle ne pose absolument aucune limite (horos) à ce à quoi elle peut s’appliquer : « Je dis donc ce qui possède la moindre [247e] puissance, ou pour agir sur une quelconque autre créature, ou pour subir le plus minime [effet] de la part de la plus insignifiante, et même seulement pour une seule fois, tout cela [je le dis] être à la manière d’un étant ; car je pose comme définition de définir les étants par le fait que ce n’est pas autre chose que puissance ». [8]

Pour en revenir à votre question, le problème n’est pas de savoir si les mots grecs nous sont devenus incompréhensibles (ce qui n’est pas le cas, même s’ils ne sont pas toujours faciles à traduire), mais de savoir si les relations qu’établit Platon dans ses dialogues entre ces mots, qui renvoient à des eidè qui sont fondamentalement les mêmes que ceux qui se cachent derrière les mots que nous employons, nous parlent et peuvent nous aider aujourd’hui à mieux nous comprendre en tant qu’anthrôpoi. Et à cette question, ma réponse est « Oui ! » sans hésitations, même si cela demande des efforts que tout le monde n’est pas prêt à faire. Si je me limite au mot logos, le problème n’est pas qu’on ne le comprend plus, mais que la richesse de son champ sémantique, parfaitement connue à travers les dictionnaires, est telle qu’aucun mot français ne recouvre le même champ. Dans certains contextes, ce n’est pas grave et le fait de choisir une traduction particulière ne pose guère de problèmes. Mais quand Platon joue justement sur la multiplicité de ses sens, alors, le fait de choisir une traduction et, pire, de choisir des traductions différentes pour des emplois successifs de ce mot à proximité les uns des autres, comme c’est souvent le cas chez les traducteurs, devient plus que problématique. C’est en particulier dans de tels cas, où il me semble que le fait de pouvoir réaliser que c’est à chaque fois le même mot grec qu’a employé Platon est plus important que d’en donner dans chaque cas une traduction précise que je préfère garder le mot grec et renvoyer le lecteur aux entrées du dictionnaire (j’ai reproduit sur mon site l’intégralité des entrées du Bailly et du LSJ pour logos) pour qu’il fasse lui-même son choix ou se contente de voir qu’il y a plusieurs traductions possibles qui pourraient convenir. Un cas particulièrement dramatique de ce fait, non pas avec le mot logos, mais avec le mot eidos, est dans l’analogie de la ligne, à la fin du livre VI de la République : à quelques lignes d’intervalle, Socrate parle d’horômena eidè (horômenois eidesi, « eidè visibles », 510d5) et de noèton eidos (noèton to eidos, « eidos intelligible », 511a3), en employant le même mot justement, à mon avis, pour nous faire percevoir la continuité entre les deux sortes d’eidè, visibles et intelligibles, sauf que tous les traducteurs et commentateurs sont persuadés que le mot a le sens « technique » qu’ils lui donnent dans le cadre de leur « théorie des idées » dans la seconde occurrence (eidos intelligible) et son sens « usuel » dans la première occurrence (eidè visibles), et traduisent donc le même mot de manière différente dans chaque cas, ne laissant même pas au lecteur la possibilité de se rendre compte que Platon avait utilisé le même mot et de chercher quelles pouvaient être les conséquences d’un tel choix pour la compréhension de ce qu’il cherchait à dire.

S’il est important de pouvoir identifier que Platon a utilisé un même mot plusieurs fois, dans des contextes qui pourraient inciter à le traduire par des mots différents en français, il est important aussi de noter que, dans d’autres cas, c’est Platon lui-même qui varie son vocabulaire pour parler de la même chose, justement pour ne pas nous bloquer sur un mot et créer un vocabulaire « technique » à la manière d’Aristote, mais pour nous inciter à dépasser les mots pour parvenir aux eidè qui se cachent derrière eux. Un exemple particulièrement parlant de cela est la discussion sur les très grandes familles (megista genè) dans le Sophiste. L’Étranger d’Élée utilise cinq « notions », on (« étant »), tauton (« le même »), thateron (« l’autre »), kinesis (« mouvement ») et stasis (« repos ») pour faire admettre aussi bien à ceux qu’il appelle « fils de la terre » qu’à ceux qu’il appelle « amis des eidè » qu’on ne peut pas assembler les mots n’importe comment et que donc le discours faux est possible, en leur faisant toucher du doigt que personne ne considérera comme vraie la phrase « le mouvement est la même [chose] que le repos » alors que tout le monde considérera comme vraie la phrase « le mouvement est autre [chose] que le repos », quel que soit le sens exact que chacun donne aux mots kinèsis et stasis, dès lors qu’il les considère comme non susceptibles d’être applicables simultanément à un même sujet (on, « étant ») au même instant. Or, dans cette discussion, pour désigner ce que j’ai appelé « notions », il alterne quatre ou cinq mots, genos, substantif dérivé du verbe gignesthai, qui signifie « naître/devenir » et peut donc plaire aux fils de la terre (12 occurrences), phusis, substantif dérivé du verbe phuein, qui signifie « croitre/pousser » et peut donc, lui aussi, avoir la faveur des fils de la terre (12 occurrences), eidos (8 occurrences), idea (3 occurrences), deux mots qui dérivent de racines signifiant « voir », mais dont le sens analogique était depuis longtemps devenu usuel et qui s’adresse plutôt à ceux que justement il appelait les amis des eidè, et même ousia (« étance », 2 occurrences). Or, ce n’est pas pour éviter la monotonie par souci de « beau style », ni parce que ses idées ne sont pas claires sur ce sujet, ni même parce que ces mots seraient synonymes pour lui, mais simplement parce que le mot utilisé pour les désigner importe peu par rapport au résultat recherché ! Si cela fait plaisir aux uns de parler de genè et aux autres d’eidè, peu importe, le résultat sera le même et la « démonstration » sera probante dans les deux cas ! Dans ces conditions, inutile pour le traducteur de se casser la tête à chercher la « meilleure » traduction pour chacun de ces termes dans ce contexte ! Par contre, il est important de respecter les différences de termes voulues par Platon, puisque leur multiplicité a un objectif précis dans la « démonstration » !

De même, quand, à la fin de l’analogie de la ligne, Socrate identifie quatre « affections » (pathèmata) qu’il demande d’associer à chacun des quatre segments en donnant à chacune un nom (dont un changera dans le rappel qui est fait plus loin de l’analogie), il est inutile pour le traducteur de se casser la tête à trouver la meilleure traduction pour chacun d’eux, puisque Platon est ici en train d’introduire des « notions » nouvelles pour lesquelles il ne dispose pas de noms adaptés et a donc le choix entre créer des néologismes, ce qui n’avance pas à grand-chose en n’éclairant pas ces « notions » nouvelles et conduit à un vocabulaire « technique » dont il ne veut surtout pas, ou utiliser des mots existants, en sachant  qu’il ne faut les prendre que comme des « éclairages » partiels sur ces « notions » nouvelles et qu’il est plus important de chercher à dépasser les mots à partir de ce qui a été dit auparavant et de les comprendre les uns par rapport aux autres que d’absolutiser le nom qu’il leur donne (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne donne ces noms qu’à la fin et tous les quatre ensemble).

Un dernier exemple, si vous me permettez, pour montrer qu’on peut se comprendre à travers les siècles au-delà des mots et retrouver l’esprit du texte au-delà de sa littéralité. C’est encore une fois celui de la discussion sur les différentes sortes de lits au livre X de la République. Socrate commence cette discussion en prenant deux exemples de meubles, klinè (« lit ») et trapeza (« table »), avant de laisser tomber les tables pour en rester aux lits. Or, il se trouve qu’en grec, le mot klinè dérive du verbe klinein, qui signifie « incliner/(se) coucher/(s’)étendre » et le mot trapeza signifie étymologiquement « qui a quatre pieds ». En d’autres termes, trapeza renvoie à quelque chose de l’apparence visuelle de ce qu’il désigne alors que klinè dit quelque chose de la fonction du meuble dont c’est le nom, et c’est le meuble dont le nom évoque la fonction et non l’apparence visuelle que Socrate conserve pour la suite de la discussion. Dans une discussion sur les « notions » d’eidos et d’idea qui a commencé par une mise en relation d’eidos avec le processus de nommage (voir la phrase citée plus haut) et qui avait été précédée par l’analogie de la ligne où il était question d’horômena eidè (« eidè visibles ») et de noèta eidè (« eidè intelligibles »), on ne peut pas ne pas penser que ces choix ne doivent rien au hasard et que c’est plus l’étymologie des mots que ce qu’ils désignent que Platon avait en vue avec eux. Pour le traducteur qui a pris conscience de ce fait, le choix est entre traduire la lettre ou traduire l’esprit de ce qu’a écrit Platon : s’il traduit la lettre, il traduit klinè par « lit » et trapeza par « table », et peut même ajouter des notes érudites expliquant que klinè pouvait aussi désigner les « lits de table » dont se servaient les Grecs d’alors à la place de chaises autour des tables dans les banquets, où les convives s’allongeaient à trois par « lit », et que trapeza désignait en particulier les comptoirs dont se servaient les changeurs et banquiers d’alors, ce qui donne au mot tout un registre de sens en lien avec l’activité de banque, notes qui n’apportent rien à la compréhension des propos de Socrate ; s’il veut , non pas « traduire », mais rendre l’esprit des propos de Socrate, il traduit klinè par « couche » et remplace l’exemple des trapezai par celui des « trépieds », comme je l’ai fait dans ma traduction de cette section de la République,[9] trahissant donc la lettre du texte mais respectant les motivations plus que vraisemblables de Platon dans le choix de ses exemples. Bref, comprendre va bien au-delà de simplement comprendre les mots, et ce niveau de compréhension peut traverser les âges pour qui sait ne pas en rester aux mots.

AP : De manière plus générale, diriez-vous que votre démarche est historiciste, et considère que la philosophie platonicienne trouve son entente essentielle dans une situation historique donnée de la langue grecque ? Je vous pose la question parce qu’il y a comme une tension dans votre manière d’approcher la philosophie platonicienne ; d’un côté, il est manifeste que vous déplorez la muséification de Platon, réduit au fond à une figure historique et datée, qui n’aurait plus grand-chose à nous dire, et qui ne pourrait donc être abordé que sous l’angle d’une espèce de figure figée de musée, au sein d’un dispositif antique obsolète. Et de ce point de vue-là, il me semble que vous cherchez à dire que Platon a une actualité et que celle-ci ne se trouve pas invalidée par le changement d’époque. Mais en même temps, vous semblez dire que la langue et les sens que véhicule celle-ci nous sont devenus tellement étrangers que vouloir le traduire est tâche impossible ; de ce point de vue, Platon semble tributaire d’une langue historiquement constituée, et l’historicisme que vous récusiez d’un côté me semble renaître de l’autre à travers l’incommunicabilité des langues.

BS : Il ne faut pas confondre historicisme et contextualisation.  Si aujourd’hui vous voulez comprendre des articles publiés en chinois dans le journal officiel du parti communiste chinois, il vous faudra contextualiser ces articles et prendre en considération non seulement leur origine, la situation actuelle de la Chine, son organisation politique différente de la nôtre, la personnalité de son leader, mais aussi les différences importantes entre une langue alphabétique et une langue idéogrammatique, qui façonnent différemment l’esprit de ceux qui les emploient, et beaucoup d’autres choses encore. Dans tout cela, les éléments liés aux différences temporelles, ne sont qu’un élément parmi d’autres, surtout quand les problèmes évoqués sont les mêmes et qu’ils le sont par un auteur qui cherche justement à dépasser les mots particuliers dont il disposait, comme je viens de l’expliquer dans ma réponse précédente. Même pour un auteur contemporain parlant sur les mêmes sujets, nous ne serons jamais certains de comprendre les mots qu’il emploie exactement dans le même sens que lui et, au contraire, nous serons encore plus tentés de penser qu’il les emploie dans le même sens que celui que nous leur donnons puisqu’ils nous sont contemporains !… Or justement, Platon était parfaitement conscient de ce problème et a fait tout son possible pour en minimiser les effets sur ses lecteurs, contemporains aussi bien que futurs.

Les problèmes auxquels s’intéresse Platon portent sur le pourquoi de nos comportements, sur leur finalité. Or l’essentiel des progrès (considérables) que nous avons faits depuis sont dans le domaine « scientifique » et la « science » pour Platon ne peut répondre qu’aux questions « Comment ? » (« Comment faire ci ou ça ? »), pas aux questions de type « Pour quoi ? Pour quelle fin ? » (« Pourquoi faire ci plutôt que ça ? »), qui sont les seules questions que nous devrions nous poser. La « science », contemporaine en particulier, mais pas que…, passe un temps considérable à s’intéresser au passé (« D’où venons-nous ? Comment est né l’univers ? »), toutes choses sur lesquelles nous n’aurons jamais de réponses certaines (on ne fait que remplacer le mythe du Timée, qui, lui, se savait seulement « vraisemblable », ou celui de la Genèse, qui se dit inspiré par Dieu, par le mythe du Big Bang qui, lui, se croit vrai parce qu’il a été mis en équations) et auxquelles nous ne pouvons rien changer, alors que nous devrions passer le plus gros de notre temps disponible à chercher vers quel futur nous voulons évoluer ensemble en vue d’assurer le plus grand bonheur possible au plus grand nombre de gens possible (ce qui devrait être le souci premier de tous les dirigeants), puisque ce futur dépend en partie de nous et de nos choix présents et que nous en sommes donc en partie au moins responsables. Et ces choix ne dépendent pas tant de ce que nous pouvons faire parce que la « science » nous le permet que de ce que nous voulons faire parce que nous estimons, à tort ou à raison, que c’est le meilleur pour nous, individuellement et collectivement. Et donc tous nos efforts devraient porter sur la question de savoir ce que nous avons raison de considérer comme le meilleur, pour éviter les erreurs sur ce point, dont nous pâtirons nécessairement, individuellement ou collectivement.

Et dans cette perspective, je pense effectivement que Platon (bien compris) a une actualité énorme.

AP : Un terme, particulièrement intéressant, est celui d’ousia. Bien que Cicéron l’ait rendu par essentia, et qu’il soit tentant de le rendre par « essence », vous insistez bien plus volontiers sur la richesse et l’estimation de la valeur de cette richesse, qui conduit à penser que ce qui dispose d’une certaine ousia est ce qui est le plus désirable et donc ce qui doit être considéré comme un bien. Et, en même temps, vous le traduisez très souvent par « étance ». Est-ce que le néologisme d’étance qui, si je ne m’abuse, a été proposé par Gilson dans l’introduction de L’être et l’essence[10] rend véritablement compte de l’idée de richesse et de valeur de celle-ci ?

BS : Non, et c’est bien le problème ! Il n’y a pas de mot français qui, comme le mot ousia, connote à la fois une idée relative au « être » et une idée relative à l’« avoir », comme le fait le mot ousia dont le sens usuel au temps de Platon, dont on retrouver par exemple la trace dans la discussion entre Socrate et Céphale au début de la République, était plutôt « fortune, avoirs matériels (de valeur), biens (en particulier immobiliers) », alors que la racine du mot est la forme féminine ousa (« étante », si vous me permettez d’accorder le participe dans la traduction en français) du participe présent du verbe einai (« être »), substantivé sous la forme ousia. Mais au moins, cette traduction a le mérite, à mes yeux, de sortir d’une tradition interprétative qui, concernant Platon, s’obnubile sur des questions d’« ontologie » qui ont complètement déformé les propos de Platon et conduisent les traducteurs à perdre tout bon sens dès qu’ils rencontrent dans les dialogues des formes du verbe einai (« être ») et de ses dérivés.

Un bon exemple de cela est Sophiste, 262b9-c4, où l’Étranger explique qu’une suite de noms comme « lion cerf cheval » ne constitue pas un logos porteur de sens parce que, dans un tel cas « les sons produits ne révèlent [ni] activité, ni inactivité, ni étance d’un étant ou d’un n’étant pas » (oute praxin oude apraxian oude ousian ontos oude mè ontos). Il faut voir comment de distingués hellénistes traduisent le groupe de motsoude ousian ontos oude mè ontos : Cousin parle d’« existence d’un être [ou] d’un non-être », Diès d’« être, soit d’un être, soit d’un non-être » (traduisant par le même mot ousia et on(tos)), Robin de « réalité d’une chose existante, [ou] d’une chose non-existante », Chambry d’« existence d’un être ou d’un non-être », Cordero de « réalité existante d’un être [ou] d’un non-être ». Comprenne qui pourra ! Alors que ce que veut dire Platon est évident une fois qu’on a compris que, comme il le dit aussitôt après, un logos ne peut être porteur de sens « avant qu’aux noms, on ne mêle les verbes », et qu’il distingue ici trois cas pour les verbes en faisant un cas particulier pour le verbe einai (« être ») parce que, comme le montre la « définition » qu’en a donnée l’Étranger et que j’ai citée plus haut, einai par lui-même n’implique ni action particulière, ni affection particulière, ni inaction particulière (comme kathènai, « rester assis », que l’Étranger va bientôt utiliser dans un exemple de logos signifiant minimal (Theaitètos kathètai, « Théétète est/reste assis », 263a2)), mais sert seulement à introduire un attribut supposé pertinent (affirmation) ou au contraire refusé (négation) à un sujet. Mais comme Platon ne dispose pas encore d’un métalangage grammatical, il le pallie à la manière de l’époque, en substantivant certaines formules : ainsi (to) on (« (l’)étant », neutre, ontos au génitif) c’est le sujet, celui, celle ou ce dont on dit que c’est (ci ou ça), l’« étant »  donc, d’une formule de la forme s esti a (« s est a », s sujet, a attribut), et ousia désigne n’importe quel attribut a utilisé dans cette formule, si bien que ce qu’il dit par ces mots qui font perdre la tête aux traducteurs, peut se reformuler ainsi « …ni l’attribut/étance (ousia) d’un sujet étant (ontos) ou n’étant pas (mè ontos) (ça) ». Et dans ce cas, la notion de valeur n’intervient pas, si bien que ce n’est pas un problème qu’elle soit perdue dans la traduction d’ousia par « étance ». Par contre, elle est fondamentale en République VI, 509b8-9, où Socrate parle du bon (tou agathou) qui « n’est pas ousia, mais encore au-delà de l’ousia », laissant entendre que c’est à l’aune du bon que se mesure l’ousia (« étance ») de quoi que ce soit, c’est-à-dire sa « valeur » pour nous, et non pas seulement son « être », ce qui ne veut rien dire puisque « être » seul n’a aucun sens tant qu’on ne dit pas (ou ne sous-entend pas, ce qui est la porte ouverte à tous les sophismes) « être » quoi, c’est-à-dire tant qu’on ne mentionne pas une ousia (« étance »), et que donc, puisque le bon est ce qui sert à mesurer l’ousia de tout le reste, ce qui fait de l’ousia de quoi que ce soit sa valeur au regard du bon, le bon ne peut être lui-même ousia, c’est-à-dire mesuré par lui-même.

De tout cela, il ressort que le sens du mot ousia, à partir d’un sens minimal d’« attribut » au sens grammatical peut être pris dans des sens plus ou moins « riches » (c’est le cas de le dire !) selon le contexte, dont des sens très matériels, qui étaient devenus les plus fréquents dans la langue du temps de Socrate et Platon. On retrouve quelque chose de cela en français, non plus avec un mot dans la mouvance d’« être » détourné vers un sens d’« avoir », mais avec « bien » (une des traductions possible d’agathon), selon qu’on parle du bien au singulier, au sens moral, ou des biens au pluriel, au sens matériel. Bref, le français, au lieu de câbler dans la langue qu’on est ce que l’on a/possède en termes de biens matériels, sans préjuger du fait que c’est bon ou mauvais, comme l’avait fait le grec ancien, a carrément câblé dans la langue que toute possession matérielle est nécessairement bonne et constitue un « bien » !

AP : Une dernière question, peut-être, pour les étudiants préparant les concours d’agrégation et de l’ENS. Ces derniers ont cette année (2022) pour thème « le principe ». L’arkhè est un thème central chez Platon, et vous le mentionnez dans votre lexique. Que diriez-vous pour faire entendre l’usage platonicien de l’arkhè auprès de ceux qui, depuis des mois, cherchent à saisir quel est le sens exact de ce « principe directeur » ?

BS : Après avoir précisé que Platon peut employer ce mot dans des sens différents dans des contextes différents, je leur dirais que, si ce qui les intéresse, c’est l’archè dont il est question dans l’analogie de la ligne, celui qui est qualifié d’anupotheton, c’est le bon (to agathon) au sens qui se dégage de tout ce que j’ai dit auparavant, et qui n’est surtout pas limité au « bien » moral ! Une des principales caractéristiques de Platon, c’est qu’il n’est jamais dans une logique d’exclusion, de « ou…, ou… » (ou la raison, ou les passions ; ou le matériel, ou l’intelligible ; etc.), mais toujours dans une logique d’inclusion, de « et…, et…), pour autant qu’on place tout à sa juste place (et la raison, et les passions, mais sous le contrôle de la raison et dans la juste mesure nécessaire pour le bien du tout ; et le matériel et l’intelligible, pourvu qu’on ne se laisse pas fasciner par le matériel au point de ne plus chercher à comprendre et surtout à apprécier convenablement la valeur relative de chaque chose ; etc…). Et par ailleurs, pour Platon, l’archè en tant que ce qui nous guide et vers lequel nous allons est infiniment plus important que l’archè en tant que principe originel, point de départ, dont nous nous éloignons et sur lequel nous ne pouvons plus rien. D’où l’importance de l’épithète « directeur » dans ma traduction d’archè.

Entretien avec Bernard Suzanne : Autour de la supposée théorie des Idées (Partie 2)

[1] http://www.perseus.tufts.edu/

[2] LSJ : Liddell- Scott-Jones, l’équivalent anglo-saxon du Bailly les deux sont aujourd’hui disponibles en ligne : le Bailly à https://bailly.app/, et le LSJ à http://stephanus.tlg.uci.edu/lsj/ ; Chantraine : P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris 1968.

[3] https://www.plato-dialogues.org/fr/tetra_4/republic/soleil.htm

[4] Ibid.

[5] https://www.plato-dialogues.org/fr/pdf/De_quoi_parlons-nous_long.pdf, note 1, p. 1.

[6] https://www.plato-dialogues.org/fr/pdf/platon_mode_d_emploi.pdf note 2, p. 2

[7] La quatrième, qui n’est jamais mentionnée explicitement comme telle dans cette discussion, mais qui y est constamment présente, est le mot « lit » lui-même, qui correspond au segment de la dianoia de la ligne.

[8] Legô dè to kai hopoianoun tina kektèmenon dunamin [247e] eit’ eis to poiein heteron hotioun pephukos eit’ eis to pathein kai smikrotaton hupo tou phaulotatou, kan ei monon eis hapax, pan touto ontôs einai: tithemai gar horon horizein ta onta hôs estin ouk allo ti plèn dunamis, Sophiste, 247d8-e4. « À la manière d’un étant » traduit littéralement l’adverbe grec ontôs, généralement traduit par « réellement », pour faire sentir en français ce qu’il y a de redondant dans l’expression grecque ici employée, ontôs einai, qu’on pourrait aussi « traduire » par « étantamment être » si l’on me permet cet autre néologisme, redondance qui disparaît dans une traduction par « réellement être ».

[9] https://www.plato-dialogues.org/fr/tetra_4/republic/trois_couches.htm

[10] Cf. Etienne Gilson, L’être et l’essence, Paris, Vrin, 1948, p. 8.

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Ancien élève de l’ENS Lyon, agrégé et docteur en Philosophie, Thibaut Gress est professeur de Philosophie en Première Supérieure au lycée Blomet. Spécialiste de Descartes, il a publié Apprendre à philosopher avec Descartes (Ellipses), Descartes et la précarité du monde (CNRS-Editions), Descartes, admiration et sensibilité (PUF), Leçons sur les Méditations Métaphysiques (Ellipses) ainsi que le Dictionnaire Descartes (Ellipses). Il a également dirigé un collectif, Cheminer avec Descartes (Classiques Garnier). Il est par ailleurs l’auteur d’une étude de philosophie de l’art consacrée à la peinture renaissante italienne, L’œil et l’intelligible (Kimé), et a publié avec Paul Mirault une histoire des intelligences extraterrestres en philosophie, La philosophie au risque de l’intelligence extraterrestre (Vrin). Enfin, il a publié six volumes de balades philosophiques sur les traces des philosophes à Paris, Balades philosophiques (Ipagine).