A la différence de nombreux concepts hérités d’Aristote, l’existence fait en métaphysique une entrée aussi discrète que tardive, avant de devenir un thème à ce point majeur qu’aucune philosophie n’a pu s’en dispenser, en dépit d’un paradoxe constitutif : l’existence n’est-elle pas l’autre absolu de la pensée? Pourquoi l’existence s’est-elle constamment maintenue, au-delà du questionnement métaphysique qui fut son horizon médiéval, jusqu’à constituer un des concepts fondamentaux de toute anthropologie? Pour répondre, une histoire de l’existence dans la longue durée s’imposait, qui entreprenne d’en relever les mutations principales : née dans l’Antiquité tardive pour singulariser l’être du Christ, développée au Moyen Âge pour appréhender l’être du monde créé, l’existence qualifie, aux temps des Lumières, l’être de l’homme. Le premier volet de cette histoire complexe analyse l’émergence de l’existence aux côtés de l’être, puis en concurrence avec lui. Il retrace le lent processus médiéval de son incorporation à la philosophie, de Marius Victorinus à la scolastique moderne : existe ce qui se pose à partir de son origine, puis hors de sa cause. Ainsi l’existence fut-elle premièrement exposée.
Ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé de philosophie, Jean-Christophe Bardout est maître de conférences à l’Université de Rennes 1.