Le chemin Walter Benjamin n’est pas qu’une métaphore. C’est une
réalité : un itinéraire de randonnée pyrénéen qui, en Catalogne, mène de
Banyuls-sur-mer à Portbou, de France en Espagne. Son point d’arrivée
est le petit cimetière suspendu au-dessus de la Méditerranée où Walter
Benjamin fut inhumé, après sa mort le 26 septembre 1940. Création
de l’artiste israélien Dani Karavan, le mémorial qui lui rend hommage
plonge dans la mer, à l’endroit précis d’un incessant tourbillon. Il s’intitule
« Passages », en écho à l’oeuvre de l’intellectuel juif allemand qui s’est
donné la mort à Portbou après avoir emprunté ce chemin pour traverser la
frontière afin d’échapper à l’Europe national-socialiste.
Ce sont les souvenirs de Lisa Fittko qui ont permis la renaissance de
ce chemin de liberté. Résistante allemande au nazisme, elle fut en 1940-
1941, avec son mari Hans, l’âme d’un réseau clandestin organisant, depuis
Banyuls, l’échappée en Espagne des persécutés par ce sentier que Walter
Benjamin fut le premier à emprunter à ses côtés. Salué en Allemagne par
le Grand Prix du livre politique lors de sa première parution, en 1985, son
récit rappelle que les frontières sont faites pour être traversées et les exilés
pour être accueillis.
Artisan de cette réédition, Edwy Plenel dit l’actualité de ce Chemin
Walter Benjamin comme l’on convoquerait un souvenir à l’instant du péril :
« Ce livre n’érige pas un monument, ni ne commémore ou célèbre : c’est
un acte d’engagement. Sa temporalité n’est pas celle d’un passé révolu,
mais d’un passé plein d’à présent. »