Auteur d’une œuvre polymorphe – de la physique à la politique, de la logique à la biologie – Aristote est un savant multiple, animé de l’ambition de décrire et de comprendre tant le monde d’ici-bas, caractérisé par la contingence, que celui des astres, immuable et éternel. Dans le sillage du biological turn initié depuis une quarantaine d’années, Pierre Pellegrin met au premier plan la zoologie déployée dans les grands traités biologiques : l’Histoire des animaux, les Parties des animaux et la Génération des animaux.
Les questions de la génération spontanée, de la nécessité hypothétique, des rapports entre les parties et leur hiérarchie ou encore entre genèse et structure sont ici reprises, situées et saisies selon leur logique interne. L’originalité d’Aristote ressort particulièrement de son entreprise zoologique, qui n’avait pas de précédent et n’a trouvé un successeur qu’au tournant du XIXe siècle, lorsque Georges Cuvier, en particulier dans les Leçons d’anatomie comparée, reprit son programme, ouvrant ainsi un nouveau champ scientifique.
Par-delà les rapports des traités biologiques à la science moderne – qui animent, et parfois égarent la recherche actuelle –, cette enquête nourrie d’une exceptionnelle familiarité avec l’œuvre du Stagirite permet de mettre en évidence une « pensée aristotélicienne », caractérisée par l’anti-réductionnisme, la confiance dans la connaissance sensible et l’anti-empirisme. Cette approche approfondie renouvelle de la sorte l’intelligence de la démarche globale d’Aristote et, en quelque sorte, la relance.