Être « authentique » est aujourd’hui devenu un maître-mot, un élément de langage, qui renvoie non pas tant à son sens premier de « fidèle à ses origines », mais à celui, dérivé, de sans apprêt, sans fard, d’une transparence à soi-même et, par conséquent, exigée par les autres. Ce glissement sémantique est le symptôme d’un dévoiement qui brouille les frontières entre ce qui relève de la chose publique et de l’espace intime. La quête d’une transparence totale, intégrale, envahit, contamine et tyrannise notre espace public et démocratique.
Remontant au xviie siècle, Richard Sennett montre comment et pourquoi nous avons perdu de vue peu à peu ce qu’il appelle l’« homme public » : à refuser comme inauthentique l’épaisseur du tissu social, on se livre sans défense à la pire des oppressions.
Richard Sennett
Sociologue, historien américain, il enseigne à la London School of Economics et à l’université de New York. Il est l’auteur d’essais de critique sociale, dont Ce que sait la main, Ensemble et Bâtir et habiter (Albin Michel, 2010, 2014 et 2019).
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Berman et Rebecca Folkman