Tu voudrais savoir l’histoire de ma vie et ses résultats. Il sera difficile de t’en donner une idée : car elle a roulé sur des objets qui sont étrangers à la sphère, et je ne sais pas où commencer ; il y a vie ostensible et extérieure, et vie réelle intérieure. – Quoique tu ne sois pas homme de lettres, tu sauras sans doute que dans les sciences il y a eu des hommes d’un haut mérite qui de leur vivant n’ont pas été reconnus pour tels, mais d’autant plus après leur mort, ou, si le sort était propice, dans leur vieillesse : cela a même été le sort de beaucoup de ces hommes, et dans tout temps et tout pays. – Je suis un de ces hommes-là.
Schopenhauer. Extrait de la lettre à son ami d’enfanceAnthime Grégoire de Blésimaire, 1836
Ce recueil présente pour la première fois les écrits français d’Arthur Schopenhauer (1788-1860). Dans ces réflexions, lettres et gloses, qui s’étalent de 1820 à 1856, le philosophe allemand (qui a vécu au Havre de 1797 à 1799) montre une maîtrise étonnante de la langue française et apparaît comme le contemporain de Voltaire et de Diderot, d’Helvétius et de Chamfort.