Bernard Joly : Descartes et la chimie

Bien qu’il n’y ait consacré aucun ouvrage, Descartes s’intéressait à la chimie de son temps, qui s’appelait aussi alchimie. On a souvent oublié cet aspect de ses recherches scientifiques, alors que les questions de chimie trouvent leur place dans Les météores de 1637 et constituent l’essentiel de la quatrième partie des Principes de la philosophie.
Pour autant, loin de vouloir donner à la chimie le statut d’une science comparable à la mécanique ou à la médecine, Descartes s’est plutôt employé à réduire les opérations de la chimie à celles de la mécanique, contestant ainsi la spécificité des opérations et des concepts de la chimie de son temps. Le système cartésien ne pouvait en effet se satisfaire ni des « esprits » de la chimie, au statut ambigu entre matière et pensée, ni des principes paracelsiens, Mercure, Soufre et Sel, qui n’avaient d’autre consistance que les propriétés sensibles qu’ils manifestaient.
Se pose alors la question de la possibilité d’une chimie cartésienne. Le corpuscularisme de chimistes comme Robert Boyle ou Nicolas Lémery s’inspire davantage de la tradition alchimique et des recherches chimiques de l’époque que du cartésianisme. C’est en défendant son autonomie à l’égard de la physique et de la médecine que la chimie a pu se développer dans la seconde partie du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, en se présentant comme une science empirique se défiant de tout présupposé métaphysique. L’influence cartésienne semble alors s’évanouir au fur et à mesure que se développe la chimie.
Bernard Joly, professeur émérite de philosophie et d’histoire des sciences à l’université de Lille 3, est spécialiste de l’histoire de la chimie ancienne et de ses rapports avec la philosophie.

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